Adélaïde Ferrière explorations
Comparé au milieu pianistique ou lyrique, celui de la percussion classique peut sembler plus discret. Il abrite pourtant lui aussi de véritables stars, comme Adélaïde Ferrière qui stupéfie critiques et public par une virtuosité ébouriffante.
La vocation de la jeune musicienne se révéla rapidement dans son parcours : « J’ai commencé le piano et les percussions à peu près au même moment. Je trouvais que ces instruments étaient complémentaires et possédaient beaucoup de points communs, avec la présence de claviers. Les percussions sont un terrain de jeu incroyable, notamment parce que l’instrumentarium est énorme. Pour ce qui est du répertoire, il s’agit d’un monde très récent et en pleine évolution. Les percussionnistes ont le challenge de continuer à le faire évoluer et à explorer toutes les possibilités instrumentales. » Au sein de l’immense instrumentarium évoqué, Adélaïde Ferrière a bien sûr ses favoris : « Le marimba fut un immense coup de cœur quand je l’ai découvert. Cet instrument tient une place importante dans ma carrière parce que c'est l’un des claviers les plus développés, avec lequel on peut vraiment faire des concerts à part entière, ce qui n’est pas le cas de toutes les percussions. Il permet aussi d'aborder le répertoire classique à travers l'arrangement et la transcription. On peut aussi le faire avec le vibraphone, mais la tessiture et les possibilités harmoniques et mélodiques sont différentes. Je suis très attirée aussi par la multi-percussion. Quand un compositeur définit un instrumentarium pour une pièce, tout est possible, et le mariage entre les différents instruments de percussion crée un nouvel instrument à part entière. N'importe quel objet peut devenir un instrument, ou même le corps directement. C’est aussi ce que j’aime dans mon métier, on doit toujours s’adapter à des installations et des instruments particuliers. On explore sans cesse, c’est comme si on repartait de zéro à chaque nouvelle pièce pour créer une nouvelle sonorité. »
La musicienne revient rapidement sur le chemin qui l’a menée là où elle en est aujourd’hui : « Mes études au Conservatoire de Paris ont été le début de la concrétisation d'une voie professionnelle et la classe de percussion était très axée sur le travail du répertoire contemporain, sur la recherche et la création. Ce fut le point de départ de la découverte de tout le répertoire pour moi. L’enregistrement de mon premier disque a été ensuite une étape marquante, avec des pièces que j'avais abordées pendant mes études et que j'avais déjà données en concert mais que je n’avais encore jamais fixées dans une version définitive. Par la suite, ce sont les rencontres qui m’ont beaucoup apporté et grâce auxquelles j’ai grandi, notamment les rencontres avec les compositeurs. Certains d’entre eux m’ont fait découvrir des nouveaux modes de jeu ou des nouvelles façons d'utiliser les instruments. »
On sent chez Adélaïde Ferrière une vraie passion pour la musique contemporaine, qui constitue bien sûr le cœur de son répertoire : « La composition contemporaine est souvent au service de l’instrument, les pièces sont pensées pour cela, ce qui n’est pas le cas du répertoire classique. Certaines pièces sont très puissantes, avec des installations parfois très larges. Il peut y avoir un plateau complet de percussions sur scène. J’aime cette dimension innovante. »
Vers l’innovation
La percussionniste joue par ailleurs beaucoup de transcriptions et d’arrangements de pièces classiques : « Le bagage du piano m’a fait découvrir le répertoire classique et m’a donné envie de l’adapter et de le revisiter. Cela permet aussi d’offrir une relecture au public, d’être dans un rapport différent avec des œuvres parfois très connues. Je trouve que cela fonctionne particulièrement bien avec les pièces baroques car à l’époque beaucoup de pièces n’étaient pas écrites pour des instruments spécifiques mais s’adaptaient à diverses instrumentations selon les circonstances. Les arrangements d’œuvres baroques se font donc avec une certaine évidence. » À la Maison de la Radio début avril, on pourra entendre Adélaïde Ferrière dans un programme varié qui contient notamment un arrangement pour marimbas et orgue du Concerto pour deux clavecins BWV 1060 de Bach qu’a réalisé l’interprète. Y figurent aussi plusieurs pièces contemporaines, dont une création de Rikako Watanabe intitulée Racines du vent : « L’instrumentarium est assez classique, avec le marimba qui occupe une place importante, ainsi que le vibraphone. Certaines sections sont très poétiques, un peu suspendues. Il y a un vrai dialogue avec l’orgue, on entend des longues tenues que colorent les percussions. On sent des influences japonaises, avec des sonorités modales. La fin de la pièce évolue vers quelque chose de plus tribal, plus rythmique. » Une autre pièce pour percussions et orgue sera donnée, La Nuit sera calme de Thomas Lacôte : « Cette pièce est intéressante pour sa recherche de textures et de couleurs. Du côté des percussions il n’y a pas de clavier mais beaucoup de métaux qui vont créer des nappes sonores et des impacts brillants. À certains moments on ne sait plus si c’est l’orgue ou la percussion qui produit le son. Cette pièce est vraiment un jeu sur les matières, elle est très planante. » Une enthousiasmante présentation qui devrait en motiver plus d’un à venir au concert.
Élise Guignard