Emmanuelle Haïm direction
Les Pages et les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, élèves des CNSMDP & CNSMDL, Jeune Chœur de Paris. Couperin, Lalande…
Lorsque le pouvoir de Louis XV s’affermit, avec son retour à Versailles en 1722, le Régent Philippe d’Orléans décide de rénover la musique de la Chapelle Royale, détenue entièrement par De Lalande depuis des décennies. La nomination en janvier 1723 d’une nouvelle équipe prend en compte tradition et modernité : De Lalande (soixante-cinq ans) conserve la charge d’un quartier de l’année, restant le lien prestigieux avec les splendeurs du siècle de Louis XIV. André Campra (soixante-deux ans), qui a eu la charge de la musique à Notre-Dame de Paris avant de faire une carrière glorieuse à l’opéra, retrouve la musique sacrée, avec un quartier de la Chapelle Royale. Nicolas Bernier (cinquante-sept ans), protégé du Régent, qui connaît de grands succès dans le style de la cantate française et à animer les brillantes Nuits de Sceaux, tout en dirigeant la musique sacrée à la Sainte-Chapelle de Paris, se voit lui aussi octroyer un quartier à la Chapelle Royale, et spécifiquement l’éducation des Pages. Enfin Charles-Hubert Gervais (cinquante-et-un ans), compositeur lyrique très proche du Régent dont il est surintendant de la Musique depuis 1700, et qu’il a accompagné dans la composition de ses deux opéras, vient compléter cette nouvelle Chapelle Royale pour laquelle il composera une quarantaine de Grands Motets. Voici les quatre compositeurs sous-maîtres de la Chapelle Royale rassemblés par Emmanuelle Haïm, à la tête des forces professionnalisantes du Centre de musique baroque de Versailles, pour un programme à la gloire du jeune roi Louis XV, s’achevant par le mythique Te Deum de Lalande créé pour Louis XIV quatre décennies auparavant : modernité et tradition !
Le retour à Versailles
Musiques sacrées pour le jeune Louis XV
Versailles, 15 juin 1722. Après sept années d’un sommeil commencé à la mort de Louis XIV (1er septembre 1715), le château bruisse à nouveau de l’effervescence de la cour. Jusque-là installé aux Tuileries, le jeune Louis XV revient dans le palais de son aïeul ; et avec lui, toute la cour qui, durant la régence de Philippe d’Orléans, avait fait de Paris l’épicentre de l’activité politique et culturelle. Dans quelques mois, le 25 octobre, le roi sera sacré à Reims et proclamé majeur (15 février 1723), et l’on rétablit progressivement le cérémonial royal, dans l’écrin même que Louis XIV avait façonné pour le mettre en scène.
Consciencieusement, le Régent, oncle du roi, a anticipé ce retour de la cour, des services et du cérémonial, s’attachant notamment à la messe du roi, moment majeur de la journée du souverain. Dans la chapelle du château, bénie en 1710, les organistes, parmi lesquels François Couperin, vont pouvoir toucher à nouveau le grand orgue Tribuot-Clicquot, révisé pour l’occasion. La Musique de la Chapelle s’apprête elle aussi à retrouver tout son lustre. Le Régent a nommé à sa tête trois musiciens de son entourage : André Campra, ancien maître de musique de Notre-Dame de Paris ; Nicolas Bernier, ancien chef de la maîtrise de la Sainte-Chapelle ; et son propre maître de musique, Charles-Hubert Gervais. Trois musiciens talentueux, fers-de-lance d’une nouvelle tendance esthétique, volontiers italianisante, et qui viendront seconder celui qui fut le musicien préféré du feu roi : le vieux Michel-Richard de Lalande, qui avait occupé les plus hautes charges musicales de la cour, mais qui allait peu à peu laisser la place à une nouvelle génération. Ce programme propose trois œuvres de ces trois nouveaux sous-maîtres (In convertendo, Miserere, Exaudiat te, respectivement), composés au cours de ces toute premières années de Louis XV à Versailles, et qui, par la variété des inspirations et des styles musicaux, témoignent de l’émulation que l’on attendait de ce renouvellement.
Pour autant, Lalande va rester jusqu’à sa mort en 1726 un musicien respecté, célébré à la cour comme à la ville, et sa musique va accompagner le cérémonial des premières années du règne. Pour cela, comme à son habitude, il révise sans cesse ses motets, les mettant au goût du jour pour leur faire prendre le virage esthétique de ce premier XVIIIe siècle. Son Te Deum notamment, cher à Louis XIV, est profondément remanié, vers 1722 – version redonnée dans ce programme –, contribuant à faire évoluer le genre du grand motet. Jusqu’au sacre (1723) et au mariage du roi (1725), ce motet d’apparat participera ainsi à rehausser les premiers feux des Lumières.
Thomas Leconte, Centre de musique baroque de Versailles
Vous aimerez aussi
Chœur
Händel
Chœur & Orchestre de l’Opéra Royal. Dir. : G. Jarry. Avec M. Lys, N. Balducci, R. Burnens & H. Nombre.