Mozart Cosi fan tutte
Les Musiciens du Louvre. Dir. : M. Minkowski. I. Alexandre, mise en scène. Avec A. Brower, R. Gleadow, A. M. Labin…
C’est peut-être, avec la Tétralogie de Wagner, le cycle le plus connu de l’art lyrique : entre 1786 et 1790, Mozart et Da Ponte signèrent leur célèbre Trilogie comprenant trois opéras majeurs, Les Noces de Figaro (1786), Don Giovanni (1787), puis Così fan tutte (1790). A la vérité, dans la très vaste production de Mozart, ces trois œuvres sont peut-être les plus abouties, grâce au librettiste Lorenzo Da Ponte. Ce dernier, devenu incontournable à Vienne, apporta à Mozart non seulement un gage de succès, mais également des livrets taillés sur mesure pour le génie du compositeur. Car la musique est à la fête, les trois œuvres ne laissant jamais de répit à l’auditeur, enchaînant situations, arias, duos et ensembles somptueux.
Leurs points communs sont très puissants : voici trois opéras italiens, à la manière buffa, trois « drama giocoso », destinés à la troupe de l’Opéra de Vienne ; chacun présente l’action ramassée sur une seule journée, gage d’urgence et de brio ; l’influence française est évidente partout : Figaro inspiré de Beaumarchais, Don Giovanni reprenant le personnage rebelle et flamboyant illustré par Molière, et Così dans un style tiré de Marivaux et de l’opéra-comique français plébiscité à Vienne. Enfin c’est l’esprit de liberté qui unit ces trois œuvres et nous parle encore aujourd’hui, alors qu’en son temps il était particulièrement osé. Libertins, les héros de la Trilogie le sont assurément : en politique pour Figaro qui à l’instar de Beaumarchais rompt les barrières sociales et mène le jeu, en religion pour Don Giovanni qui défie Dieu en « Grand Seigneur méchant homme », enfin en amour tout le temps et surtout dans Così, dont les protagonistes jouent à quatre un jeu aussi plaisant qu’imprudent….
Così fan tutte ou l'École des Amants, est le dernier opéra buffa commun de Mozart et Da Ponte. L’Empereur Joseph II qui avait apprécié leurs Noces de Figaro, commanda un nouvelle œuvre, inspirée d’un fait divers qui avait amusé tout Vienne : à Trieste, deux officiers avaient échangé leurs femmes ! Livret et partition furent écrits en un mois en décembre 1789, et la première eut lieu fin janvier 1790, mais le décès de l’Empereur l’interrompit après cinq représentations. Cette comédie dans le style napolitain (l’action se situe d’ailleurs à Naples !), mais très inspirée de l’opéra-comique français, et notamment des Femmes Vengées que Philidor avait composé en 1775 sur un livret de Sedaine (et qui fut joué à Vienne), où deux femmes voulant donner une leçon à leurs maris échangent leur rôles par des travestissements… pour les séduire et mieux les confondre ! Vingt ans plus tard, Mozart et Da Ponte trouvent une inspiration exceptionnelle pour cette comédie de mœurs dans l’esprit de Marivaux, où amour, beauté et cruauté s’entremêlent subtilement, jusqu’à ce que tout s’emballe pour des moments d’anthologie !
Voici donc présentés d’une seule traite, en trois journées donc, et dans l’ordre de leur composition, les trois opéras de cette fameuse Trilogie. Les personnages (et leurs interprètes) se retrouvent d’une œuvre à l’autre, tant les liens d’amour et de pouvoir parcourent ces trois opéras emblématiques, au point d’imaginer qu’ils auraient été trois actes d’un tout d’exception. C’est en tout cas le parti pris d’Ivan Alexandre et Marc Minkowski, dans le décor malléable de tréteaux et voiles conçu par Antoine Fontaine pour la scène du Théâtre Historique de Drottningholm et celle de l’Opéra Royal de Versailles. Le pari de cette « intégrale » est grand pour les chanteurs, qui doivent avoir en tête et en voix près de neuf heures de musique, sans pouvoir répéter ni se reposer entre chaque soirée… L’équipe de choc réunie pour ce projet avec les Musiciens du Louvre, devrait le porter à l’incandescence ! Et le pari pour le spectateur est ici, évidemment, de voir les trois opéras en trois jours successifs, pour être plus que jamais ébloui par un concentré absolu de génie Mozartien !!!
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