Portraits d'artistes - Piano

Christian Zacharias la plénitude

Christian Zacharias
Christian Zacharias est unanimement salué pour ses interprétations de Scarlatti, Schubert, Mozart ou encore Ravel.
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L’immense pianiste et chef allemand entame une saison bien équilibrée entre ses récitals et ses activités de direction. Il revient en octobre au théâtre des Champs-Élysées pour un concert dédié à Schubert et Tchaïkovski.

Christian Zacharias est sans aucun doute un modèle pour tout jeune musicien par le respect total des partitions et les connaissances stylistiques expertes dont il fait montre, conjugués à une inventivité débridée. Il revient rapidement sur les premières étapes qui l’ont mené au sommet de son art : « Envisager de faire carrière dans la musique suscite souvent beaucoup de craintes, mais j’ai senti que je pouvais me lancer dans cette voie au Concours de Genève en 1969. J’avais 19 ans, je venais juste de finir le conservatoire et j’ai gagné le deuxième prix. J’ai étudié ensuite avec Vlado Perlemuter à Paris, car je ne faisais pas encore beaucoup de concerts pour autant. J’ai commencé à voir les résultats de ce travail en 1976 : j’ai gagné le premier prix au Concours Ravel organisé par Radio France à Paris, avec un concert final au Théâtre des Champs-Élysées que je me rappelle encore. C’est à ce moment-là que j’ai eu un agent et ma carrière a décollé. »

Du piano à la direction

L’impressionnant parcours du pianiste s’est finalement doublé d’une carrière de chef : « Sergiu Celibidache m’avait invité à Stuttgart pour jouer le Concerto en sol majeur de Ravel, et nous avions beaucoup répété. J’ai pu voir comment un chef travaillait, ce qu’il pouvait accomplir. Ce très beau moment s’est gravé dans ma mémoire et m’a donné envie de faire de la direction. J’ai pu commencer à diriger grâce à une invitation de Armin Jordan, un chef que j’ai énormément admiré aussi, à l’Orchestre de la Suisse Romande. Par la suite, l’une de mes expériences de chef les plus marquantes fut bien sûr de diriger pendant 13 ans l’Orchestre de Chambre de Lausanne. Nous venions souvent à Paris, et c’est là qu’a commencé une belle relation avec le Théâtre des Champs-Élysées. » On retrouve Christian Zacharias dès cet automne pour un récital dans cette salle emblématique qu’il apprécie tout particulièrement : « Certaines salles historiques ont quelque chose de spécial par rapport aux salles modernes, et c’est le cas du Théâtre des Champs-Élysées, où j’adore jouer. L’acoustique est à la fois sèche et claire, elle est exigeante mais permet de tout faire. J’arrive toujours la veille, j’ai toute la journée pour me préparer sur place, ce qui est très agréable parce que dans beaucoup d’autres lieux tout s’enchaine, on ne peut répéter qu’une petite demi-heure avant le concert. »

Le programme comprend une sonate de Schubert, un répertoire pour lequel le pianiste a été très acclamé tout au long de sa carrière : « Vers 25 ans j’ai entendu Radu Lupu jouer du Schubert, et il a été le premier à me convaincre que ses sonates étaient uniques en leur genre. On y trouve une perception du temps très particulière et des horizons immenses. Il faut savoir gérer 20 minutes de temps sans impatience, et réussir à faire chanter le piano. J’ai joué l’intégrale des sonates il y a 20 ans, et maintenant j’en reprends une de temps en temps. J’aurais du mal à dire lesquelles je préfère, car ce sont toujours celles que je suis en train de travailler ! J’adore en tout cas celle en ré majeur que je donne pour ce concert. Elle commence de façon virtuose, puis le mouvement lent arrive tout d’un coup. Il sonne comme une symphonie et je pense que c’est l’un des plus grands de Schubert. À la fin de l’œuvre la musique semble disparaitre dans le ciel, vers le paradis, dans un sentiment de continuité éternelle. Beaucoup de gens ne jouent pas cette sonate parce que c’est un défi. »

Vers l'intimité

L’autre partie du programme est consacrée aux Saisons de Tchaïkovski : « Je me suis intéressé tardivement à Tchaïkovski et je suis entré en contact tout doucement avec la musique si touchante des Saisons. Ce sont des pièces intimes, comme si quelqu’un nous confiait ses pensées et ses émotions, et je suis heureux de pouvoir raconter cette histoire. Ces pièces me conviennent bien d’un point de vue technique aussi, car je ne suis plus tout jeune et je dois faire attention, certains répertoires deviennent plus difficiles avec l’âge. Il se trouve d’autre part qu’il y a une vingtaine d’années, j’avais enregistré pour la radio le Concerto de Tchaïkovski avec Heinrich Schiff, ainsi que les Saisons. Il se pourrait qu’on sorte un disque historique avec ces enregistrements, et je me réjouis à l’idée de ce projet. » La suite de la saison s’annonce tout aussi passionnante pour le musicien, avec différents projets qui le mèneront ailleurs en France, en Allemagne, en Espagne ou encore au Portugal car il est premier chef invité de l’Orquestra sinfónica do Porto Casa da Música. S’il devait donner aujourd’hui un conseil aux jeunes générations, Christian Zacharias ne saurait que trop souligner l’importance de la rigueur : « On peut seulement répéter qu’il faut travailler et travailler encore. On doit savoir être son propre juge surtout, ne pas se satisfaire trop vite de son jeu. Il ne faut pas se fier aux critiques négatives ni aux éloges, mais faire confiance à son propre ressenti. Chaque seconde de la musique doit être prise au sérieux. C’est la seule chose qui compte finalement. »

Élise Guignard

 

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