Portraits d'artistes - Piano

Jean-Marc Luisada Cinéma Paradiso

Jean-Marc Luisada
Élève de Dominique Merlet et Geneviève Joy, disciple aussi de Paul Badura-Skoda ou Nikita Magaloff, Jean-Marc Luisada se passionne autant pour le belcanto que le cinéma.
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Le septième art fait partie intégrante de la vie de ce pianiste à l’imagination sans cesse en éveil. À travers la projection de brèves vidéos sur des films de légende, il rend Salle Gaveau un hommage vibrant à la musique, au cinéma et à des parents qui ont encouragé ses passions dévorantes.

Une rencontre avec Jean-Marc Luisada ne ressemble à aucune autre tant sa personnalité exprime empathie et générosité. Dans l’appartement ayant appartenu à son professeur Denyse Rivière, à quelques encablures du Trocadéro, et qu’il occupe depuis une dizaine d’années, des objets d’art ainsi que des faïences trônent sur les tables face à ses pianos : un Yamaha, et un Bechstein de 1900. Des photographies de ceux qui ne le quittent pas malgré leur disparition figurent en bonne place : ses parents bien sûr mais aussi ses professeurs de piano, des amis au rang desquels Paul Badura-Skoda qui fut pour lui un exemple sur le plan musical et personnel, et tant d’autres jusqu’à son regretté labrador noir Bogie. Si les pianos occupent l’espace, ils doivent aussi cohabiter avec les nombreux DVD des films qui l’accompagnent depuis toujours  : « À Alès où j’ai passé l’essentiel de mon enfance au retour de Tunisie, ma mère m’a transmis la passion du cinéma et, très vite, j’ai pu fréquenter les salles obscures tout seul. Grâce à mes parents, La Strada de Fellini ou La Colline de l’adieu de Henry King sont entrés dans ma mémoire de manière irréversible. Depuis ces premiers pas, mon engouement pour le cinéma n’a jamais cessé et mon arrivée à Paris au Conservatoire dans la classe de Dominique Merlet n’a fait que conforter ce penchant sans modération. Dès la fin des cours, je me précipitais dans les salles proches pour voir les films dont j’enregistrais la musique sur un magnétophone à cassettes. L’émission Au cinéma ce soir me confortait aussi dans mes nouvelles sensations. »

En effet, à son amour inaltérable de Chopin et Schumann – bien que ce grand cinéphile dise aujourd’hui privilégier la musique de Schubert –, il ajoute à ce qu’il voit ce qu’il entend, organise des séances de projections, soit dans des cinémas d’Art et d’Essai, soit à l’intention de ses élèves de l’École Normale de Musique auxquels il fait partager sa filmographie de référence avec un enthousiasme qui ne se dément pas.

Un concert à nul autre pareil

Salle Gaveau, son récital ne ressemblera à aucun autre, conjuguant les deux arts dans un même élan  : « Pour ce concert, j’ai fait réaliser quatorze brèves capsules vidéo par le vidéaste Julien Hanck. Elles seront projetées en contrepoint de chaque œuvre que j’interprèterai. Ainsi, à une séquence filmée répondra l’œuvre musicale. » Le choix s’est fait non seulement à travers le regard croisé entre musique et cinéma, mais aussi par rapport à cette nostalgie qu’éprouve Jean-Marc pour les êtres chers aujourd’hui disparus : « Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais intéressé pianistiquement à Gershwin et à la Rhapsodie in Blue ; c’était la partition de prédilection de mon père qui l’adorait. En la découvrant, je me suis rendu compte de tout son sens tant musical que suggestif avec la ville frémissante de New-York que j’associe ici à Manhattan, le film de Woody Allen. Ma mère était aussi fan de l’Adagietto de la Cinquième Symphonie de Mahler dont Alexandre Tharaud a fait une sublime transcription qui rend bien compte de l’atmosphère prégnante de fin d’un monde. Je l’interpréterai bien entendu avec des extraits de Mort à Venise de Visconti.

Regard croisé entre musique et cinéma

Mon cher Chopin, avec la Mazurka op. 17 n° 4 s’accordera avec Cris et Chuchotement d’Ingmar Bergman, la Fantaisie en ré mineur K. 397 de Mozart sera prétexte à une courte projection du désert aride et torride du Vent de la Plainede John Huston, les Variations en ré mineur du Sextuor à cordes de Brahms voisineront avec Les Amants de Louis Malle, Nino Rota avec deux extraits des films de Fellini. J’ai gravé l’an dernier à l’Opéra de Liège pour le label La Dolce Volta un CD intitulé Au Cinéma ce soir qui regroupera une large partie de ces choix musicaux. Il devrait paraître ce mois-ci.

J’ai aussi le projet d’enregistrer deux quintettes de Brahms et Dvořák avec le Quatuor Talich dans sa nouvelle configuration, une formation que je connais bien et que j’apprécie beaucoup, en particulier le violoniste Jan Talich resté le pilier de cet ensemble. »

Salle Gaveau, d’autres merveilles attendent le public car ce musicien-poète n’est pas avare de surprises et peut, des heures durant, faire partager ses passions avec un sens fraternel de la communication. Cet enfant qui découvrit à dix ans les films de Chabrol et fut séduit par la dramaturgie de A Song to remember de Charles Vidor ou encore le mystère de Rendez-vous à Bray d’André Delvaux d’après une nouvelle de Julien Gracq, conserve toujours la même disponibilité à l’autre et cette capacité de transmission qui le rendent si attachant.

 

Michel Le Naour

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