Portraits d'artistes - Piano

Jonathan Fournel la voix du piano

Jonathan Fournel
Né à Sarrebourg, Jonathan Fournel se forme en France et en Allemagne, notamment auprès de Gisèle Magnan qui demeure son professeur.
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Sa victoire au fameux concours Reine Élisabeth de Belgique en 2021 avait fait grand bruit, confirmant la santé de l'école française du piano. Si la carrière de Jonathan Fournel a connu de fait une accélération notable, il démontre toutefois une sagesse musicale tout aussi patente.

Certes, tout pianiste « raisonnable » prend garde à ne pas s'éparpiller dans des répertoires bigarrés. Dans le cas de Jonathan Fournel, s'ajoute une passion pour Johannes Brahms laissant une place mesurée pour les autres compositeurs : « J’ai découvert Brahms à l’âge de 14 ou 15 ans. J’avais alors une certaine obsession pour Chopin et Liszt car, évidemment, à cet âge, j’aimais beaucoup ce qui allait vite et j’étais galvanisé par les enregistrements de Cziffra, Horowitz ou Volodos qui jouaient des pièces d’une difficulté monstrueuse. Petit à petit, je suis entré dans le monde de Brahms, grâce notamment à mon professeur du moment en Allemagne et aussi à mon entrée au Conservatoire à Paris. Il y a dans Brahms quelque chose qui me touche énormément. J’adore sa musique orchestrale et la qualité orchestrale de certaines oeuvres, notamment pour piano. Pour le moment, je n’arrive pas à quitter ce compositeur, sans pouvoir vraiment expliquer comment j’en suis arrivé là. Mais il me semble que ce n’est pas le pire des choix ». Choix heureux de fait, car ce fut avec le Concerto n° 2 du maître allemand qu'il conquit haut la main ses lauriers lors de la finale du Reine Élisabeth. Quelques mois plus tard, la parution de l'enregistrement d'un disque Brahms sous étiquette Alpha Classics,

contenant la Sonate n° 3, qu'il jouera à la Fondation Vuitton, confirma définitivement sa stature de grand « brahmsien ». Une autre Sonate n° 3 complète le programme de laFondation Vuitton, celle de Frédéric Chopin, dans laquelle notre pianiste déploiera la qualité qui domine dans son jeu, l'art du chant : « Il faut parfois oublier qu’un piano est un piano, le rapprocher par exemple d’un orchestre (quitte à imaginer comment le compositeur aurait pu orchestrer la partition). Surtout, je crois qu'on doit se demander comment une voix ferait la ligne, à quel endroit elle placerait une respiration : tout simplement tenter de savoir comment on chanterait une phrase. Je pense que ce principe vaut pour tout. Même un violoniste plaçant ses coups d’archet devrait en premier lieu se demander comment ferait un chanteur ou une chanteuse. J’aime aussi l’idée de la pièce de théâtre avec plusieurs personnages s’exprimant tour à tour. Il faut créer une histoire, une intrigue, qui se tienne.  J’avoue ne pas avoir une immense expérience de l’opéra mais je m’inspire beaucoup des lieder, d’artistes comme Dietrich Fischer-Diskau ou Elisabeth Schwarzkopf. J’éprouve tellement de plaisir à passer du temps sur une ligne de Chopin ou de Brahms pour essayer de comprendre comment la faire chanter, ou encore trouver la couleur que je veux obtenir. C’est un travail tellement passionnant ». Sa finale à Bruxelles en 2021 marqua les esprits par une inventivité poétique et un tempérament interprétatif hors du commun. L'évidence s'impose : la carrière de Jonathan Fournel exprimera les passions d'une personnalité musicale affirmée et n'offrira jamais aux mélomanes une partition qu'il n'aura pas amoureusement approfondie.

Yutha Tep

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