Portraits d'artistes - Piano

Jonathan Fournel un pianiste humaniste

Jonathan Fournel Partager sur facebook

Depuis sa victoire au Concours Reine Elisabeth en 2021, Jonathan Fournel s’est affirmé à trente et un ans comme l’un des artistes avec lesquels il faut désormais compter. Son récital à la Maison de la Radio offre un aperçu saisissant sur sa capacité à se lover avec bonheur dans les répertoires les plus divers.

La musique s’est immiscée très tôt dans la vie de Jonathan Fournel. Dès sa plus tendre enfance, il entend le son de l’orgue de l’église près de Sarreguemines où son père officiait à la tribune, et l’apprentissage du piano dès l’âge de sept ans paraît aller de soi. Désormais, les dés sont jetés avec un parcours sans faute qui le mène au Conservatoire de Strasbourg, à la Musikhochschule de Sarrebruck dans la classe de Robert Leonardy et de Jean Micault, un disciple d’Alfred Cortot dont il fut l’assistant. Parallèlement, il entretient une relation musicale très forte avec Gisèle Magnan, son mentor, à laquelle il voue une fidélité sans borne et dont il continue d’écouter les conseils avisés. S’ensuivent des études au CNSMD de Paris où il côtoie tour à tour Bruno Rigutto, Brigitte Engerer, Claire Désert et Michel Dalberto avant d’entrer en 2016 à la réputée Chapelle Musicale Reine Elisabeth pendant cinq ans auprès de Avo Kouyoumdjian et Louis Lortie. « C’est un endroit magique à quelques encablures de Bruxelles au milieu de la nature et des biches, où l’on partage les concerts et où il est possible de rencontrer les plus grands pédagogues et des pianistes de renom comme par exemple Piotr Anderszewski avec lequel j’ai pu m’imprégner longuement des Concertos pour piano de Mozart. » Une telle formation laisse le champ libre pour se préparer aux grands concours internationaux. Ce sera pour Jonathan le Premier Prix à Glasgow puis à Vercelli au Concours Viotti, avant, cerise sur le gâteau, l’obtention du Premier Prix au célèbre Concours Reine Elisabeth. Pour couronner le tout, en 2021, son enregistrement brahmsien de la Troisième Sonate et des Variations Haendel (pour le label Alpha Classics) a été considéré comme l’une des versions de référence à emporter sur l’île déserte.

En quête de sentiers battus

Cet admirateur de Dinu Lipatti (1917-1950) sait avant toute chose laisser du temps au temps et remettre sur le métier des œuvres qu’il connaît depuis son adolescence. « J’ai pu entendre le légendaire pianiste roumain expliquer comment il laissait grandir l’œuvre avant de s’y attaquer. En ce qui me concerne, je pratique la Sonate de Liszt depuis mon adolescence, mais je l’ai remise sur le métier dix ans plus tard pour réfléchir à ce qui m’avait échappé alors dans ce monument si touffu, polyphonique, où je vois, même si cela est parfois remis en cause par certains, le combat de Faust contre Méphisto. » Jonathan Fournel dit se battre contre les traditions bien ancrées, rechercher l’idée musicale qui se cache derrière les notes, et en bon déchiffreur, il est désireux d’aborder les répertoires les plus mal connus à l’image des Variations sur un thème populaire polonais de Szymanowski qu’il a inscrites à son programme parisien à côté du Concerto italien de J-S. Bach, des ultimes Intermezzi op. 117 de Brahms et de la redoutable Sonate de Liszt. Il compte prolonger sa prospection de l’œuvre pour clavier de Szymanowski mais aussi se pencher sur des pages de Scriabine et surtout Medtner que l’on joue si peu en France. Désormais, les moments de loisirs se sont raréfiés pour lui, compte-tenu de l’augmentation exponentielle de ses concerts à travers le monde. « Je participe malgré tout aux Concerts de Poche de Gisèle Magnan qui en est l’initiatrice. Il me semble essentiel de garder le contact avec un public souvent éloigné des grandes salles et curieux de découvertes. Outre la marche, une activité que je pratique avec ma compagne, j’ai une passion pour tout ce qui touche au travail manuel. Dans ma famille, il y a toujours eu une appétence pour les activités de ce type. Mon père était également menuisier et ébéniste, mon grand-père et mon oncle mécaniciens. A l’heure actuelle, je construis des maquettes de bateaux avec assiduité comme je le fais quand je me confronte à de nouvelles partitions. » A la Maison de la Radio, le public pourra entendre un moment de musique pure par un homme engagé qui parvient à conjuguer l’élégance, la poésie et la puissance avec une félinité de chat.

 

Michel Le Naour - publié le 01/04/25

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