Portraits d'artistes - Piano

Roger Muraro un lisztien de cœur

Roger Muraro Partager sur facebook

Roger Muraro entretient une relation privilégiée avec Franz Liszt qu’il a souvent servi au concert et au disque. Au Théâtre des Champs-Elysées, son programme consacré au triptyque des Années de Pèlerinage constituera une expérience pianistique qui emporte très loin.

Interprète majeur de l’œuvre d’Olivier Messiaen auquel il voue une dévotion quasi filiale, Roger Muraro revient sans cesse à ses compositeurs de chevet avec la volonté de ne jamais se répéter. Franz Liszt a toujours été au centre de son répertoire depuis ses études l’été à Annecy avec Eliane Richepin si attachée au musicien hongrois. En 2004, il grave déjà pour le label Accord le cycle des Harmonies poétiques et religieuses avec les poèmes de Lamartine lus par Robin Renucci, une aventure qu’il poursuit aujourd’hui avec Lambert Wilson en variant les textes. Depuis, il n’a jamais cessé de revenir à ses premières amours et a laissé des témoignages de référence de la Sonate en si mineur ou de la transcription de la Symphonie fantastique de Berlioz (chez Decca). Au TCE, dans le cadre des Concerts du soir produits par Jeanine Roze, il se confronte au cycle des Années de Pèlerinage (déjà capté au disque dans sa thébaïde bourguignonne, pour Alpha). Un vaste itinéraire de trois heures qui traverse tous les avatars de la nature suisse, les représentations de l’art italien ou de la littérature européenne. « Liszt a trouvé ses sources d’inspiration chez Chopin mais aussi chez les romantiques. Ce qu’il évoque en musique, c’est l’impression qu’il ressent plus que la description. Il invente des combinaisons sonores qui se transmettent tant sur le plan physique que psychologique. On a le sentiment de vivre un parcours de vie de la jeunesse à l’âge mûr auquel chacun peut s’identifier. »

à la recherche du naturel et de la simplicité

Plus attaché à l’émotion et à la ferveur qu’à la démonstration pianistique, Roger Muraro sait que la virtuosité peut écraser le sens de la beauté. « Rien n’est gratuit dans l’écriture lisztienne qui, en quelque sorte, ralentit le temps. Chez le compositeur, l’idée est plus importante que la technique en tant que telle et il prend des risques tout en sachant adapter son jeu aux contraintes corporelles. S’il peut parfois laisser croire que la vélocité et l’aspect démonstratif sont déterminants, le fait de devoir dépasser des limites oblige le pianiste à se transcender. Au concert, l’électricité, la notion de l’espace, l’improvisation, amènent à se surpasser à la différence de l’enregistrement qui peut freiner l’imagination. » Cet artiste chaleureux a choisi de prendre ses distances par rapport à la vie parisienne trop stressante à son goût et de profiter de la nature environnante de cette Bourgogne si riche d’Histoire où il trouve matière à se ressourcer. « Désormais, je n’enseigne plus au Conservatoire de Paris et assure de temps en temps des master-classes en France et à l’étranger. Liszt avait choisi de se retirer de l’agitation des concerts pour vivre une vie monacale. Ce n’est pas mon cas, mais l’éloignement m’apporte la possibilité de la contemplation, de la lecture, d’écouter les pianistes de légende comme Arrau, Bolet, Nat ou Cortot, et de mieux réfléchir sur les partitions qui me sont consubstantielles. A cet égard, j’ai évolué dans ma perception des Années de Pèlerinage en recherchant la profondeur et l’intimité, car avec elles l’aventure est toujours au bout du chemin. » Un voyage à vivre intensément.  

 

Michel le Naour - publié le 29/11/24

Restez connectés