Portraits d'artistes - Vents

Félicien Brut l’accordéon au sommet

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Personnalité fascinante aux multiples facettes, Félicien Brut fait rayonner le répertoire de l’accordéon sur les plus grandes scènes. Pour la première fois en concert au Théâtre des Champs-Élysées, il propose un programme qui réunit les époques et les styles.

À contre-courant des stéréotypes du milieu classique, le parcours de Félicien Brut ne ressemble pas à beaucoup d’autres : « Mes parents, installés en Auvergne, avaient l'habitude d'aller danser dans des bals musette, et ils nous emmenaient, ma sœur et moi. Nous étions tout petits, et nous nous endormions sur les chaises au fond des salles des fêtes. Je pense que mon envie de jouer de l’accordéon, qui est apparue très tôt, vient de là. J’avais d’ailleurs un petit accordéon en plastique dans les premières années de mon enfance. J’ai pu commencer à prendre des cours la semaine de mes six ans exactement ! Mais j’ai mis longtemps à décider que la musique serait mon métier : je ne viens pas d’une famille de musiciens et mes parents n’étaient pas très enthousiastes vis-à-vis de ce choix. J’ai d’abord étudié la physique-chimie, mais le décès d’un proche m’a décidé à me lancer dans ce que je voulais réellement faire. Au départ, je jouais dans des bals populaires et j’ai ensuite enseigné dans des conservatoires. Mon activité de concertiste s’est en fait développée relativement tard, Richard Galliano m’a encouragé dans cette voie, alors que j’avais déjà trente ans. C’est un scénario plutôt rare pour un instrumentiste car le milieu classique fonctionne beaucoup autour du phénomène des jeunes prodiges. » En tant qu’accordéoniste, Félicien Brut est amené à aborder un répertoire diversifié, qui déconstruit souvent les frontières entre musique savante et musique populaire : « Je pense qu’il n’est pas aisé de différencier le répertoire populaire du répertoire savant. Comment qualifier les musiques de Bartók ou de Bernstein ? Et que dire des musiques de films ? La révolution de l'enregistrement au XXe siècle a aussi bouleversé les choses : au départ, la musique classique était écrite tandis que la musique populaire ne se transmettait qu’oralement, ce qui limitait ses possibilités. Maintenant qu’elle peut être gravée, elle peut développer des formes très complexes elle aussi. Je pense qu’il n’y aura jamais de solution définitive pour différencier ces répertoires, ils sont en constante mutation et je trouve cela captivant ».

Renouveler les univers sonores

Pour le concert au Théâtre des Champs-Élysées, l’interprète se réjouit de jouer avec un orchestre : « Pendant longtemps, l’accordéoniste était une espèce un peu solitaire, qui jouait surtout en récital solo. On trouvait éventuellement des formations avec plusieurs accordéons, mais le mariage de cet instrument avec d’autres instruments classiques est plutôt récent. Aujourd’hui les collaborations entre accordéonistes et orchestre sont en train de se normaliser. Pour ma part j’ai d’abord fait de la musique de chambre, car la palette sonore très large de l’accordéon s’y prête extrêmement bien, mais je suis fasciné depuis longtemps par les couleurs des orchestres. Je me suis lancé dans l’aventure en enregistrant notamment un disque avec l’Orchestre National de Bordeaux-Aquitaine. Pour chaque formation avec laquelle je collabore, il faut réapprendre à jouer et à penser l'instrument d'une manière différente, ce qui permet un renouvellement presque infini. Le concert au Théâtre des Champs-Élysées me permettra de retrouver l’Orchestre de la Garde Républicaine, avec qui j’ai beaucoup travaillé ces dernières années, et j’en suis très heureux. Mais ce sera la première fois que je jouerai avec un orchestre à cordes uniquement. On change encore d’univers, c’est passionnant. »

Un hymne à Paris

Au sein d’un programme très diversifié, on trouve une pièce contemporaine de Thibault Perrine : « J’aime beaucoup interpréter la musique contemporaine, j’ai dû créer presque une trentaine de pièces déjà. L’accordéon n’a pas encore un répertoire aussi constitué que le piano ou le violon et il est important de combler ce manque. Si l’on veut par ailleurs que la musique classique reste une matière vivante, il faut inventer de nouvelles choses. Il est excitant pour le public d’entendre une œuvre pour la première fois, d’autant plus que la musique contemporaine s’est ouverte à une infinité d’esthétiques. » La pièce de Thibault Perrine a été commandée par Félicien Brut : « Elle est dédiée à Paris et se divise en trois mouvements. Chaque mouvement représente un caractère de la ville. Le premier illustre une sorte de grondement populaire, d’esprit révolutionnaire. Le second est plus sombre, endeuillé, pour évoquer les souffrances traversées au fil de l’histoire. Le dernier mouvement dépeint le Paris festif, la ville lumière qui rayonne sur le monde. » Que du bonheur pour notre interprète : « Je suis extrêmement heureux de faire ce concert. Qui plus est, c’est le premier que je donne au Théâtre des Champs-Élysées, et aussi au sein de la saison de Jeanine Roze. Elle est une figure très importante pour la musique classique mais aussi pour l’accordéon et la chanson, et je suis très touché de travailler avec elle. »

 

Elise Guignard - publié le 31/10/24

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