Portraits d'artistes - Voix

Anita Rachvelishvili Voix immense

Anita Rachvelishvili Partager sur facebook

Par la dimension de la voix et la beauté du timbre, la mezzo-soprano Anita Rachvelishvili figure parmi les plus grandes voix actuelles. Elle a fait de l'Opéra de Paris l'un de ses ports d'attache préférés, pour le plus grand bonheur du public parisien. Rencontre.

L’histoire lyrique contient maints contes de fées et la carrière d’Anita Rachvelishvili peut incontestablement figurer dans cette liste prestigieuse. Son nom est apparu soudainement en 2009 dans le temple de l’opéra, le Teatro alla Scala de Milan, la baguette de Daniel Barenboim révélait soudainement une Carmen à la voix immense, laissant le milieu musical bouche bée. Elle qui était alors membre de l’Académie des Jeunes Chanteurs de La Scala se trouvait propulsée sous le feux des projecteurs. Anita Rachvelishvili n’avait que 25 ans, dans une tessiture demandant, en temps habituel, plus de temps pour parvenir à la maturité, mais la chanteuse géorgienne, elle, était prête : « Tout a effectivement commencé ce jour merveilleux du 7 décembre 2009. Tout a changé pour moi après cette date. Je ne pense pas que le développement d’une voix soit tributaire d’une tessiture précise. D’après moi, certaines personnes naissent avec des capacités précises, et elles parviennent à en tirer partie à la condition de travailler très dur pour s’améliorer jour après jour ». Tout est allé vite, mais sans ces sorties de route qui émaillent aussi les chroniques de l’art lyrique : « Je pense avoir réussi à trouver un équilibre et je n’ai jamais eu le sentiment d’aller trop vite ou d’en faire trop. Il est très important de savoir dire « NON », même si parfois vous êtes contraints de refuser plus souvent que vous n’acceptez. Mais il faut se dire que c’est pour votre propre bien ».

J'aime chacun de mes rôles

Pour preuve, le nombre somme toute limité de rôles qui apparaissent ces dernières saisons : Amneris dans Aida, Azucena dans Il Trovatore, la partie de mezzo-soprano du Requiem chez Verdi, La Principessa di Bouillon dans Adriana Lecouvreur pour Cilea, Carmen chez Bizet ou Dalila du côté de Saint-Saëns. On ne peut que louer cette prudence : « Tout dépend à vrai dire des maisons d’opéra et de leurs propositions, bien sûr, mais je m’astreins à n’accepter qu’un seul nouveau rôle par saison, parce que je veux être certaine d’avoir assez de temps pour faire des recherches et pour l’apprendre parfaitement ». Aucune de ces héroïnes ne connaît de traitement de faveur : « Il m’est très difficile de choisir parmi ces rôles. Je me suis fixé comme règle de ne chanter que des rôles qui conviennent parfaitement à ma voix, mais aussi de choisir des personnages avec des personnalités qui me plaisent. Donc, j’aime chacun des rôles que j’endosse ! »

Une fois n'est pas coutume, Anita Rachvelishvili incarne en ce mois de janvier un rôle russe : « Marfa représente un rôle très particulier et intéressant. Il s’agit d’une femme forte et indépendante, mais aussi extrêmement mystérieuse. La musique de cet opéra est stupéfiante, en particulier pour Marfa. J’ai déjà chanté Marfa à Amsterdam, il y a quelques années, j’en ai aimé chaque seconde. Vous imaginez donc ma joie de la retrouver à Paris ma ville bien-aimée ! Il y a en réalité beaucoup d’opéras russes avec de beaux rôles de mezzo-soprano et je suis très impatiente de m’y frotter dans les prochaines saisons. J’aime la musique russe et je dois dire que les compositeurs russes écrivent parfaitement pour ma tessiture et c’est une grande joie de les chanter ».

Paris, mon amour

Vous l'aviez compris, Anita Rachvelishvili et Paris, c'est une histoire d'amour. Elle éprouve notamment une affection particulière pour la grande nef de Bastille, vaste espace dans lequel sa voix colossale s'épanouit dans toute sa glorieuse plénitude : « Je chante ici depuis nombre d’années et je dois dire, très sincèrement, qu’il s’agit de l’un des lieux où j’aime le plus me produire. J’aime le théâtre, les personnes qui y travaillent, son atmosphère et j’adore son public. Tous ont été merveilleux durant toutes ces années, y compris lors des moments difficiles, par exemple quand j’ai été indisposée, voire malade : j’ai toujours reçu le plus grand soutien, cela fait vraiment chaud au cœur. Alors, oui, je suis immensément heureuse de revenir à Paris ».

Carmen ou Dalila, deux des grands rôles de l'opéra français, à l'Opéra Bastille : de quoi faire frémir plus d'une chanteuse mais Anita Rachvelishvili a été largement adoubée par les mélomanes parisiens, notamment du fait d'une prononciation française de très haute qualité : « Chanter devant ce public constitue un grand défi. Il connaît très bien l’opéra, en particulier l’opéra français, bien sûr. Répondre à ses attentes est un véritable défi et je dois dire que je travaille beaucoup pour chaque production, avec l’espoir de le satisfaire à chacune de mes apparitions sur scène. J’adore les opéras français mais ce ne sont pas des partitions faciles. J’avoue que je suis très excitée à cette perspective. Mais j’aime les défis, c’est donc parfait ! » Et de porter haut les couleurs hexagonales sur les plus grandes scènes internationales : « Cette saison, je vais faire mes débuts en Didon des Troyens de Berlioz, à l’Opéra de Bavière à Munich. J’avoue que cette perspective me rend très heureuse ».

Il faut bien reconnaître qu'elle possède dans la voix les moyens d'affronter n'importe quel ouvrage. Anita Rachvelishvili décrit ainsi ladite voix : « Je dirais que ma voix a une couleur sombre. Elle est même dramatique, si j’en crois l’opinion de mon époux et de mes professeurs. Elle a beaucoup évolué ces dernières années, ou peut-être est-ce simplement que j’ai atteint ma maturité vocale. Toutefois, je viens d’avoir une petite fille, elle va donc changer encore plus. Pour tout dire, je suis très impatiente à l’idée de découvrir au fur et à mesure ces changements ».

Car notre mezzo-soprano a ajouté aux lauriers lyriques celui plus intime mais non moins éprouvant de la maternité : rien qui vienne perturber la solidité stupéfiante d'une artiste appelée à enchanter le public parisien pendant nombre d'années.

Yutha Tep

Du Tac au Tac

  • Quel est votre bruit préféré ?

    Celui d’un orchestre qui s’accorde.
  • Votre compositeur préféré ?

    Verdi, Massenet, Rachmaninov.
  • La pièce que vous auriez voulu créer ?

    Tosca mais aussi Werther.
  • Le compositeur que vous voudriez défendre ?

    Les compositeurs géorgiens.
  • Votre livre préféré ?

    Sherlock Holmes
  • Votre objet fétiche ?

    Mon iPad à cause des partitions qu’il contient.
  • La personnalité qui vous inspire ?

    Mon mari !
  • Si vous deviez vous réincarner ?

    D’après un quiz en ligne que je viens juste de faire, un daim !

CD & DVD

  • Alexandre Borodine, Le Prince Igor

    Alexandre Borodine, Le Prince Igor

    Orchestre, Chœur & Ballet du Metropolitan Opera. G. Noseda (direction), D. Tcherniakov (mise en scène). Avec I. Abdrazakov, O. Dyka, S. Semishkur, M. Petrenko... 2 DVD Deutsche Grammophon
  • Anita. Airs d’opéra de Bizet, Saint-Saëns, Massenet, Verdi…

    Anita. Airs d’opéra de Bizet, Saint-Saëns, Massenet, Verdi…

    Orchestre Symphonique de la RAI. G. Sagripanti (direction) 1 CD Sony Classical
  • Élégie. Mélodies de Tchaïkovski, Rachmaninov, Taktakishvili, Tosti, Duparc, Falla.

    Élégie. Mélodies de Tchaïkovski, Rachmaninov, Taktakishvili, Tosti, Duparc, Falla.

    V. Scalera (piano). 1 CD Sony Classical

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