Portraits d'artistes - Voix

Julie Roset la lumière d'une soprano

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On entend son nom partout depuis quelque temps, et pour cause : Julie Roset est sans aucun doute l’une des chanteuses les plus prometteuses de sa génération. Révélation lyrique aux Victoires de la Musique cette année, la soprano colorature interprète ce mois-ci la Passion selon Matthieu au Théâtre des Champs-Élysées et Le Messie à la Philharmonie.

Au fil d’un parcours qui en ferait rêver plus d’un, les étoiles semblent s’être alignées pour Julie Roset : « Adolescente, j’interprétais les répertoires anciens dans la rue avec des amis. J’ai rapidement compris qu’on ne pouvait pas les aborder sans connaître le style, et je suis donc partie les étudier à Genève. C’est là-bas que j’ai rencontré Leonardo Garcia Alarcon, qui m’a prise sous son aile. J’ai pu enregistrer un premier album avec lui à tout juste 20 ans. Sa femme, la soprano Mariana Florès, était l’une de mes idoles depuis longtemps et j’ai eu la chance incroyable de pouvoir collaborer avec elle. J’ai fait beaucoup de concerts avec eux, ils me faisaient confiance et me laissaient beaucoup de liberté dans mes choix d’interprétation. J’ai pu me construire artistique dans un environnement très sain et rassurant. » Par la suite, l’envie de se perfectionner dans le jeu scénique a poussé la jeune artiste vers de nouveaux cieux : « J’ai pu intégrer l’Académie du Festival d’Aix-en-Provence et cette expérience a changé ma vie. J’y ai rencontré Edith Wiens, ce qui fut un coup de foudre amical et musical. Aujourd’hui je la considère un peu comme ma troisième grand-mère. Elle m’a proposé de venir travailler avec elle à la Juilliard School et j’ai évidemment accepté ! Pour moi cette école représentait tout l’art du grand spectacle à l’américaine, au plus haut niveau qu’on puisse imaginer. J’ai pu y travailler l’acting de manière très intensive, ce qui a complètement changé ma manière de voir le métier. Vivre à New York m’a aussi beaucoup apporté. Étant de nature très positive, j’ai pu profiter de l’esprit de liberté, de l’esprit communautaire et l’énergie incroyable que cette ville a à offrir. J’y ai fait de magnifiques rencontres amicales et musicales et j’ai compris qui j’étais à ce moment-là. »

Une ascension fulgurante

Couronnant un talent évident, des récompenses dans les plus prestigieux concours internationaux ont suivi, comme le Concours Laffont du Metropolitan Opera en 2022 et Operalia en 2023. Parallèlement, d’importants engagements sur les plus grandes scènes françaises ont été proposés à Julie Roset : « En France, le directeur de l'Opéra Comique Louis Langré m'a fait confiance et m'a engagée pour chanter Zemire, dans Zemire et Azor. Je n’avais que 25 ans mais il a accepté de me confier le premier rôle, ce qui est très rare. Je lui en suis infiniment reconnaissante. J’ai aussi fait mes débuts l’année dernière à l’Opéra de Paris dans Médée de Charpentier avec les Arts Florissants. » Cette année, les Victoires de la musique sacraient la jeune chanteuse « Révélation lyrique » : « Cette Victoire de la Musique m’apporte une reconnaissance bien plus grande en France, d’autant plus que je n’ai pas étudié dans des structures françaises. Je pense que cela va me permettre d’aborder certains grands rôles qu’on aurait sinon confiés à des artistes ayant davantage d’expérience. A titre plus personnel, comme ma famille habite à La Réunion, mon passage à la télévision a permis à mes proches de voir mon travail car ils ne m’avaient jamais entendue en live. » A l’heure où toutes les portes semblent s’ouvrir pour Julie Roset, celle-ci a une foule de rôles en tête : « Parmi ceux que j’attends avec impatience, il y a celui de la Fée dans Cendrillon, Sophie dans Werther, et je rêve de chanter un jour Lakmé. J’adore le répertoire français, que ce soit la mélodie que j’ai découvert étonnamment à la Juilliard et non en France, ou le répertoire romantique. J’aime beaucoup Strauss également, pour ses livrets, pour ses idées, pour la manière d'écrire pour la voix aussi. J’ai hâte de pouvoir chanter Sophie dans Der Rosenkavalier et j’adore le rôle de Zerbinetta, qui est tellement féministe. J’aimerais chanter davantage de Mozart aussi, et dans cette perspective je serai très heureuse de retourner cet été au festival si prestigieux de Salzbourg pour un Mitridate où j’incarne Ismene. Dans mes prochains objectifs, il y a aussi Rossini. Mais il faut y aller petit à petit, on ne peut pas tout faire en même temps. »

Une affaire d’amitié

On le sent tout de suite, la soprano voue un amour sans borne pour son métier, qui satisfait pleinement sa curiosité naturelle et sa lumineuse énergie : « On n’arrête jamais d’apprendre. Pour les répertoires rares, j’ai souvent l’impression d’être une archéologue déterrant de nouvelles trouvailles. Et même pour les œuvres qu’on connait très bien, on les redécouvre sans cesse avec un nouveau chef, de nouveaux chanteurs, un nouvel orchestre… Pour moi, ce métier est aussi une affaire d’amitié. Plus j’évolue dans ma carrière plus je choisis aussi mes projets en fonctions des collaborations car je trouve très important de travailler avec des gens qu’on apprécie. Quand j’étais plus jeune j’acceptais tout, mais aujourd’hui j’ai le luxe de pouvoir choisir. » C’est dans cette perspective que Julie Roset a créé l’ensemble La Néréide alors qu’elle était encore à Genève, avec les sopranos Ana Vieira Leite et Camille Allérat. Un projet qui lui tient très à cœur : « On voulait explorer les répertoires pour trois voix égales et pouvoir concevoir des projets qui nous ressemblent. Nous avons sorti un premier album autour de Luzzasco Luzzaschi, et un second disque sort en octobre avec notamment le Miserere de Clérambault et celui de Lalouette. On fait aussi un parallèle avec la musique profane grâce à des parodies sacrées qui reprennent des airs de cour sur des textes religieux. »

Sortir des cases

Depuis l’époque de ses études, la musique baroque est toujours restée centrale dans la carrière de Julie Roset. Alors qu’elle vient de chanter Timna dans Samson de Rameau à l’Opéra Comique avec Pygmalion, la soprano interprète deux autres chefs-d’œuvre des répertoires anciens en avril : « Je chante pour la première fois en concert la Passion selon Matthieu, et j’en suis infiniment heureuse. Bach est l’un des premiers compositeurs que j’ai travaillés avec Leonardo Garcia Alarcon. Ensuite ce sera La Résurrection de Händel. C’est un compositeur qui n’hésite pas à explorer parfois des extrêmes. Dans le rôle de l’Ange, on a ainsi un premier air à vocalises qui semble ne jamais s’arrêter. Il y beaucoup de rôles händéliens que j’aimerais interpréter, comme Morgana dans Alcina, ou Cleopatra dans Giulio Cesare. Paradoxalement, j’essaie en même temps de me défaire de l’étiquette « chanteuse baroque » qu’on m’attribue depuis toujours. Le milieu aime nous mettre dans des cases et je ne comprends pas très bien pourquoi. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai passé des grands concours, je voulais montrer que je pouvais chanter autre chose. Je compte bien continuer à interpréter la musique ancienne, qui me bouleverse toujours autant, mais j’ai hâte de trouver un équilibre avec d’autres répertoires. » Nul doute que ce vœu se réalisera dans un avenir proche.

 

Elise Guignard - publié le 01/04/25

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