Portraits d'artistes - Chef

Louis Langrée à l'Opéra Comique

Louis Langrée Partager sur facebook

La carrière de Louis Langrée s'est épanouie aux quatre coins du monde. Sa nomination comme directeur de l'Opéra-Comique constitue autant une consécration qu'un engagement plus personnel pour lequel il met partiellement de côté sa baguette si recherchée. Rencontre.

En fonction « au Comique » depuis novembre 2021, Louis Langrée demeurera le directeur musical du très prestigieux Orchestre Symphonique de Cincinnati jusqu'à la saison 2023/2024, poste qu'il occupe depuis 2013, signe de la notoriété d'un chef qui a dirigé toutes les grandes formations dans toutes les maisons internationales. C'est le directeur, et non pas le chef d'orchestre, qui répond à nos questions, à une nuance près car sa baguette fera bel et bien scintiller la partition de Carmen en ce mois d'avril : « Je ne suis pas venu à l’Opéra Comique pour diriger des spectacles mais pour diriger une maison, et mon activité de chef sera modeste. J'atteins un moment de ma vie où j’ai envie de transmettre et c’est ce qui va se passer ici. Carmen est un cas particulier : il s’agissait au départ d’une coproduction avec le Festival de musique de Pékin et l’Orchestre symphonique de Shangai devait venir, dirigé par Long Yu. Mais avec la situation sanitaire en Chine il y a quelques mois, le risque s’avérait trop grand. Plutôt que de reporter une fois encore cette production, nous avons décidé d'inviter l’Orchestre des Champs-Élysées qui joue sur des instruments de l’époque de la création de Carmen. J’effectue de ce fait une sorte de dépannage ! Mais monter Carmen dans la maison qui l’a vu naître est toujours quelque chose de spécial. J’ai aussi dirigé ici l’autre chef-d’œuvre de la musique française créé à l’Opéra Comique, Pelléas et Mélisande. Ce n’est pas seulement mieux de le faire ici qu’ailleurs, c’est aussi une expérience tout à fait différente. »

J'aime cette maison

Ce plaisir singulier, Louis Langrée le connaît bien : « J’ai fait mes débuts à l’Opéra Comique en 2009, avec une production de Fortunio de Messager, qui était la première production lyrique de Denis Podalydès. Cela a été une expérience forte. Fortunio a été écrit pour l’Opéra Comique. Je suis revenu en 2014, pour Pelléas et Mélisande, puis pour Le Comte Ory de Rossini, Hamlet de Thomas, et une reprise de Fortunio. Ce sont toutes ces expériences qui m’ont donné envie de succéder à Olivier Mantei. J’aime cette maison, son histoire, son âme, son équipe et aussi son public. Le lieu est magnifique, avec une acoustique idéale parce qu’elle correspond à une taille de salle assez modeste, avec une intimité avec le public et un rapport scène-salle parfaits. On n’a pas besoin de projeter le son, qui est riche de façon naturelle, on peut se concentrer sur l’articulation du texte mais aussi les couleurs, les nuances, les rythmes, les lignes. C’est une joie profonde de travailler de cette manière. »

On ne pouvait rêver plus belle déclaration d'amour pour une maison faisant d'une contrainte un atout exceptionnel : « La particularité de l’Opéra Comique, c’est qu’il n’a pas d’orchestre ou de chœur ou de troupe, ce qui permet d’engager les ensembles orchestraux et vocaux les plus adéquats à un type de répertoire. Quand vous faites du Lully, vous engagez Les Musiciens du Louvre, Les Arts Florissants, Le Concert Spirituel ou Le Concert d’Astrée. Pour la musique romantique, vous sollicitez l’Orchestre des Champs-Élysées. Pour La petite boutique des horreurs, vous faites appel au Balcon. Il en va de même pour les chœurs – Les Éléments, Accentus ou Aedes. Cette liberté est formidable. Mais nous n’oublions pas les orchestres subventionnés, que nous engageons aussi et nous allons d’ailleurs ouvrir la saison prochaine avec l’Orchestre de Chambre de Paris dans La Fille de Madame Angot d'Offenbach. »

La culture de l'opéra-comique

Louis Langrée entend bien se faire le champion tout autant de l'Opéra Comique que de l'opéra-comique, un genre dont les contours restent flous pour d'aucuns : « Le mot “comique” est un faux ami. Louis XIV a créé trois institutions royales, qui s'inscrivent aujourd’hui dans un petit triangle doré de la rive droite : le théâtre où l’on chante, devenu l’Opéra de Paris ; le théâtre où l’on parle, aujourd’hui la Comédie Française ; et il a créé le théâtre où l’on parle et l'on chante, qui est maintenant l’Opéra Comique. Ce n’est pas comique parce qu’on y rit : Carmen est un opéra-comique mais l’histoire n’est pas très drôle. Tout simplement, il ne fallait pas que tout soit chanté à la Salle Favart et à l'inverse, à l’Opéra de Paris, il était interdit de parler. Quand Carmen y a été repris, Bizet étant déjà mort, Ernest Guiraud a écrit les récitatifs chantés. Mais nous, nous allons donner bien sûr la version opéra-comique, parlée et chantée. Il y a des œuvres qui sont nées sous les deux formes : Lakmé a une version opéra et une version opéra-comique, et c’est la même chose pour Zémire et Azor de Grétry, que je vais diriger en juin. Il existe une version opéra-comique de Faustde Gounod, alors qu’on ne donne que la version opéra. Dans l'histoire de l’Opéra Comique, il y eut beaucoup de textes littéraires qui ont été conçus pour être parlés et non pour être chantés : Pelléas et Mélisande, qui est avant tout une pièce de théâtre, que Maeterlinck n’a pas conçue initialement pour être chantée ; La Voix Humaine de Cocteau et Les Mamelles de Tirésias d'Apollinaire, deux pièces également, auxquelles Poulenc a ajouté ensuite sa musique. »

Sous l'impulsion de Louis Langrée, l'Opéra Comique va certainement se doter de moyens dignes de son histoire illustre pluriséculaire : « Pour aimer défendre l'opéra-comique, il ne suffit pas d’en avoir l’intuition, il faut aussi en avoir la culture. Pour cette raison, nous allons installer une Académie de l’Opéra Comique qui va cultiver le genre et l’esprit de l’opéra-comique. Elle ne sera pas une académie de chant, mais une académie réunissant voix, chefs et cheffes d'orchestre ou de chœur, metteurs et metteures en scène, pour les rendre sensibles à cet art mais aussi leur permettre de convaincre le public. »

De quoi justifier l'enthousiasme qui a accueilli la nomination de Louis Langrée.

 

Yutha Tep

Du Tac au Tac

  • Quel est votre son/bruit préféré ?

    Le bruit du vent dans le feuillage des arbres avant un orage d’été.
  • Quel est votre compositeur préféré ?

    Celui ou celle dont je dirige les œuvres en ce moment.
  • Quelle est votre partition pour une île déserte ?

    Pelléas et Mélisande de Debussy.
  • Quelle œuvre auriez-vous voulu créer ?

    La Symphonie Fantastique de Berlioz.
  • Quel est le livre qui a changé votre vie ?

    Les Cahiers de Paul Valéry.
  • Quelle personnalité actuelle vous inspire particulièrement ?

    Gisèle Halimi.
  • Quel est l’objet qui ne vous quitte jamais ?

    Mon casque de vélo, qui est aussi beau que bleu.

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