Marzena Diakun l'art des couleurs
Cela fait une petite dizaine d’années que la cheffe polonaise évolue dans les plus hautes sphères du milieu musical. Stupéfiante dans la musique contemporaine ou dans la musique romantique allemande, elle dirige à la maison de la radio un programme Fauré qui l’inspire tout autant.
Commencement d’une belle histoire, un rêve d’enfant a poussé Marzena Diakun vers la direction : « La musique classique a fait partie de ma vie depuis l’enfance. J’en écoutais beaucoup et j’allais voir des concerts tous les vendredis avec mes parents. Mon frère est violoniste et on a partagé dès cette époque une même passion pour la musique symphonique. J’ai commencé le piano dans une école de musique mais la direction me faisait rêver. J’admirais cette personne qui menait l’orchestre depuis son podium, sans vraiment comprendre de quoi il s’agissait. Puis ce qui était au départ un rêve est devenu petit à petit un projet professionnel. J’ai pu étudier la direction après mon baccalauréat. »
Après une formation des plus riches où elle a pu bénéficier des conseils de Uros Lajovic, Kurt Masur ou même Pierre Boulez, la cheffe a déjà eu l’occasion de collaborer avec les meilleurs orchestres européens. Il y a bientôt 10 ans, sa carrière s’envolait suite à ses concerts à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Aujourd’hui, c’est avec l’autre phalange de la Maison de la Radio qu’elle collabore, l’Orchestre National de France : « C’est la première fois que je travaille avec cet orchestre et j’en suis très heureuse. Je l’ai entendu plusieurs fois en concert et j’apprécie beaucoup la souplesse de sa sonorité. Sa couleur se révèle assez différente de celle de l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Je dirais qu’elle est douce et chaleureuse alors que celle du Philharmonique est plutôt lumineuse. »
diriger Fauré
Cette nouvelle collaboration n’augure que de bonnes choses pour le programme de musique française qui sera donné à la Maison de la Radio ce mois-ci avec le pianiste Lucas Debargue : « Le programme est entièrement consacré à Fauré, pour commémorer le 100e anniversaire de sa mort. Jusqu’à aujourd’hui, j’ai uniquement dirigé son Requiem et je suis heureuse de pouvoir aborder d’autres grandes pages de sa musique. L’Orchestre National de France est la formation idéale pour plonger dans ce répertoire, d’autant plus que les orchestres français connaissent bien les couleurs qui lui sont intrinsèquement attachées. J’en avais eu un très bon aperçu quand j’avais travaillé avec le Philharmonique de Radio France. Je suis très heureuse de pouvoir travailler dans ces conditions. » La cheffe a une idée bien précise de ce qu’elle veut obtenir : « Je pense qu’il faut travailler avant tout sur les couleurs, la souplesse et la liberté. On doit chercher une douceur dans le son et de la subtilité dans les teintes, comme si elles apparaissaient dans une brume. Il y a quelque chose d’un peu ésotérique dans la musique de Fauré, même dans les partitions qui requièrent beaucoup d’énergie. En ce moment j’écoute beaucoup de vieux enregistrements pour m’inspirer des atmosphères. Comme le concert n’est pas très long, j’aimerais aussi le concevoir comme un seul grand souffle, en travaillant précisément sur la manière d’enchainer les œuvres. Je voudrais qu’une ambiance s’installe. » Si la musique de Fauré reste relativement neuve dans le répertoire de Marzena Diakun, il semble évident qu’elle s’inscrit déjà parfaitement dans son univers : « Je ne m’impose pas de limites dans mes choix de répertoires. J’aime particulièrement le répertoire du xixe et du début du xxe siècle, et plus globalement toutes les musiques qui donnent beaucoup de couleurs à l’orchestre. C’est pour cette raison que la musique française me parle beaucoup, j’aimerais en donner plus par la suite, notamment Fauré et Debussy. »
La fin de saison s’avère bien remplie pour la cheffe, avec encore plusieurs concerts à la tête de l’Orquesta y Coro de la Comunidad de Madrid dont elle est la directrice artistique et cheffe principale depuis plusieurs années, et ce jusqu'à cet été. De nouvelles histoires s’écriront la saison prochaine : « J’ai pu développer beaucoup ma carrière en Allemagne ces dernières saisons, et je vais poursuivre dans ce sens l’année prochaine en travaillant avec plusieurs orchestres allemands comme le Komische Oper Berlin ou la Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern. J’aurai aussi l’occasion de nouer un premier contact avec le Royal Scottish National Orchestra ou avec l'Atlanta Symphony Orchestra. Ce sont des orchestres absolument fantastiques et je suis heureuse de ces nouvelles collaborations. En termes de répertoire, je vais continuer le travail que j’ai entamé sur Stravinski, Chostakovitch ou Rachmaninov, dont j’ai pu aborder presque toutes les grandes symphonies cette saison. Je vais aussi redonner certaines grandes partitions de Bruckner, comme la Symphonie n° 4 au Mexique. J’aime revenir encore et encore aux mêmes œuvres, cela me permet d’approfondir l’interprétation, d’aller toujours plus loin. » En France ou par-delà les frontières, il est certain que le nom de Marzena Diakun devrait faire de plus en plus parler de lui.
Élise Guignard