Nicolò Balducci contre-ténor et soprano
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Depuis son avènement dans les années 1960 (Alfred Deller bien sûr), la voix de contre-ténor a entrepris une marche en avant inarrêtable. Une jeune génération tutoie désormais les cimes de la tessiture, avec des sopranistes parmi lesquels Nicolò Balducci occupe une place de plus en plus importante. Rencontre.
Le temps paraît loin où un sopraniste brillait telle une nova pour presque immédiatement s’éteindre, faute d’une technique suffisamment saine pour soutenir dans la durée les intentions musicales et les partitions abordés. Nicolò Balducci n’est certes pas une étoile filante : depuis presque une dizaine d’années, il apprivoise avec prudence un don de la nature qui lui a ouvert les portes de nombre de scènes éminemment respectables – au point qu’à seulement 26 ans, le contre-ténor italien fait presque figure de vétéran !
Contre-ténor, sopraniste ? Le lexique prévalant actuellement brille par un flou pour le moins artistique, dont Nicolò Balducci prend acte avec pragmatisme : « Je ne suis pas contre le terme de sopraniste, bien au contraire. Je suis heureux de faire partie d’une jeune génération qui continue le travail qu’a fait, par exemple, Franco Fagioli. Évidemment, Franco constitue un cas à part, c’est un don de Dieu qu’il me serait impossible de copier. Le terme de contre-ténor est très large mais il demeure le meilleur moyen de caractériser notre famille de voix. J’ai pris la décision de me décrire comme contre-ténor soprano. D’ailleurs, je suis plutôt un soprano II, parce que je monte tout de même moins haut que mes collègues et amis Bruno de Sá ou Samuel Mariño. À vrai dire, à l'époque baroque, le terme de mezzo-soprano n'existait pas vraiment : le rôle d'Ariodante, par exemple, est indiqué soprano. »
Opéra Royal, Chapelle Royale et label CVS confondus, Versailles constitue depuis les débuts du contre-ténor une escale privilégiée et qu’il retrouve cette saison dans de multiples configurations entouré de l’Orchestre de l’Opéra Royal. Dès ce 10 décembre, il prend part à un gala pour trois contre-ténors aux côtés de ses amis Théo Imart de Rémy Brès-Feuillet, soirée que l’on imagine volontiers flamboyante avec l’impressionnante virtuosité de notre chanteur. Plus tard, il assumera la partie de soprano dans le Stabat Mater de Pergelosi de nouveau aux côtés de Rémy Brès-Feuillet (le 2 avril 2026 à la Chapelle Royale, puis le 3 avril à la Salle Gaveau).
Nerone d’exception dans L’Incoronazione di Poppea, aussi bien avec Les Épopées de Stéphane Fuget qu’avec La Capella Mediterranea de Leonardo García Alarcón, bientôt Sesto de Giulio Cesare de Händel qu’on attend avec impatience au Maggio Fiorentino sous la direction de Gianluca Capuano, Nicolò Balducci emprunte certes le chemin naturel pour sa voix qu’est la musique baroque : « J’aime beaucoup ce répertoire d’abord parce que j’y trouve beaucoup à chanter, ensuite parce que j’aime la colorature, notamment les ornements, les variations, que demande le da capo. Mais je dois dire que le baroque occupe la moitié de mon emploi du temps, pas plus ».
Commencer par Mozart
Les choses deviennent en effet intéressantes quand on évoque « l’autre moitié » de son activité. Car le compositeur que notre chanteur fréquente peut-être le plus, ces derniers mois, n’est autre que Mozart. Au moment où ces propos ont été recueillis, Nicolò Balducci incarnait, au Teatro La Fenice de Venise, Annio dans La Clemenza di Tito, rôle mettant à mal la plupart des mezzo-sopranos : « Annio est un rôle très sopranisant, beaucoup plus aigu que Cherubino. Il me convient très bien mais en même temps, j'ai dû beaucoup travailler. À La Fenice, Sesto est chanté par Cecilia Molinari qui a, elle aussi, chanté Annio à ses débuts et elle m’a dit : Je suis très contente que ce soit quelqu’un d’autre qui le fasse ce rôle ! L’écriture est toujours dans le passage de la voix et quand j’ai commencé à travailler ce rôle, ce n’était pas agréable mais je me suis petit à petit habitué. Il m’a fallu chercher la bonne manière de placer ma voix et ensuite de ne pas perdre la position. C'est toujours comme ça avec Mozart. » Le nom de Cherubino n’apparaît pas ici par hasard : « Dès la fin de La Clemenza, je dois me replonger dans le rôle de Cherubino des Nozze di Figaro, que je vais chanter à Dortmund. Je l’ai déjà chanté et il me pose moins de problème qu’Annio, mais je dois m’y remettre. »
Idamante, le rôle rêvé
Pour un contre-ténor, Mozart offre des possibilités incontestables, pour peu qu’il en ait les notes. Ses opera seria couvent une large période, des premiers chefs-d’œuvre milanais (Mitridate en 1770 ou Lucio Silla en 1772) à l’ultime monument qu’est La Clemenza di Tito (1791) : « C'est le quatrième opéra de Mozart que je chante, après Lucio Cinna dans Lucio Silla, Cherubino dans Le Nozze di Figaro, et Arbate dans Mitridate [ndlr : notamment à l’Opéra de Montpellier sous la direction de Philippe Jaroussky]. Il y a, dans sa musique, des éléments qui ne viennent pas immédiatement. Arbate est même plus difficile qu’Annio, avec une ligne placée encore plus haut, et cela « gratte » un peu la gorge, mais il reste plus plaisant à chanter qu’Annio. Mozart est venu un peu tout seul, j'ai eu assez tôt beaucoup d'invitations pour chanter sa musique. Dans la mesure où je l’ai toujours aimée, je me suis dit que oui, qu’on allait commencer par cela. Maintenant je me sens quand même à l'aise, je tente donc de collectionner les rôles mozartiens. J'ai encore beaucoup à chanter dans son œuvre parce qu’il a beaucoup écrit pour ma typologie de voix, pour les castrats. J’ai aussi commencé à aborder des opéras romantiques comme Aureliano in Palmira de Rossini et j’ai fait des extraits de Giulietta e Romeo de Zingarelli. Mais j’espère avant tout que le rôle d’Idamante d’Idomeneo de Mozart viendra bientôt car je suis prêt ! » À bon entendeur…
Yutha Tep - publié le 01/12/25