Edgar Moreau l’esprit de famille
Outre son activité prenante de violoncelliste soliste, Edgar Moreau mène une carrière de chambriste à travers le monde. On le retrouve au Théâtre des Champs-Élysées en compagnie de membres de l’Orchestre Philharmonique de Berlin pour deux concerts autour de Mozart et Brahms.
Musicien ouvert aux expériences plurielles, Edgar Moreau a franchi les étapes de sa jeune carrière avec des bottes de sept lieues. À 28 ans, il appartient désormais au gotha de la musique classique, fréquente les plus grandes scènes internationales et s’associe volontiers aux interprètes majeurs de notre temps. Sa vie est jalonnée de rencontres et de découvertes, alimentée par sa curiosité naturelle et son absence de préjugés : « J’ai commencé ce métier à l’âge de 17 ans, et ai gardé le même engouement qu’au premier jour. La musique baroque m’intéresse tout autant que le grand répertoire, et je ne m’interdis pas des incursions dans la musique d’aujourd’hui comme celle de Tanguy ou Beffa. Les œuvres rares comme les Concertos de Friedrich Gulda et Jacques Offenbach ou la Sonate Titus et Bérénice de Rita Strohl ou l’Andante Espressivo pour violoncelle et piano de Fernand de la Tombelle me captivent tout autant. »
Cet artiste polymorphe qui fut Premier Prix de piano au Conservatoire de Boulogne-Billancourt est avant tout un passionné qui, à trois ans et demi, réclamait un violoncelle plutôt qu’un jouet en entendant une jeune fille s’entraîner dans la boutique d’un luthier.
À onze ans, il jouait déjà en public le Concerto pour violoncelle de Dvořák avec l’Orchestre du Teatro Regio de Turin avant même d’entrer au CNSMD de Paris dans la classe de Philippe Muller. Rien n’a arrêté son ascension depuis le Prix du Jeune soliste obtenu au Concours Rostropovitch en 2009 ou son Second Prix au Concours Tchaïkovski de Moscou deux ans plus tard. Depuis, la reconnaissance du public et de la presse spécialisée ne s’est plus jamais démentie comme en témoignent ses deux nominations aux Victoires de la Musique classique.
La musique de chambre sans modération
Chez les Moreau, la musique est inscrite dans les gènes et se pratique en famille avec des frères et une sœur eux aussi instrumentistes professionnels : « En 2020, j’ai gravé un CD intitulé “A Family Affair” où des pages de Dvořákvoisinent avec la Suite op. 23 de Korngold. Il est captivant d’échanger avec des gens qui vous sont proches car, même si vous les connaissez bien, ils vous surprennent toujours. C’est aussi le cas lors de rencontres régulières avec mes amis Renaud Capuçon, David Kadouch, Bertrand Chamayou ou encore Martha Argerich. » Au Théâtre des Champs-Élysées, il retrouvera des musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Berlin en formation de chambre : « C’est un plaisir de m’associer une nouvelle fois à eux qui représentent une source d’inspiration et d’imprégnation. Le répertoire germanique est leur ADN et au sein de cet orchestre – l’un des meilleurs au monde – ils se mesurent sans cesse à une tradition dont ils sont les dépositaires. » Les deux concerts feront la part belle à des partitions majeures de Mozart (Quintette avec clarinette K. 581 et Quatuor n° 2 K.493) et Brahms (Quintette avec piano op. 34, Quatuor avec piano n° 3 op. 60, Quintette avec clarinette op. 115).
Entre-temps, Edgar se rendra durant le mois de février en Israël et en Finlande avec le même appétit chevillé au corps. Il vient d’enregistrer – toujours pour le label Erato avec l’Orchestre symphonique de la WDR de Cologne dirigé par Andris Poga – le concerto de Henri Dutilleux et celui plus rare de Mieczyslaw Weinberg (ami de Chostakovitch). Fils de son temps, il n’existe pour lui aucune barrière et il se nourrit aussi bien du jazz, de la variété et peut se produire avec décontraction sur les scènes les plus improbables.
Tête bien faite, Edgar ne tient pas pour autant à brûler les étapes : « Les Suites pour violoncelle seul de Bach sont un passage obligé pour un violoncelliste, mais je préfère attendre. Il m’arrive d’en jouer quelques mouvements en bis sans que je me sente encore suffisamment prêt pour en livrer en concert l’intégrale. C’était jadis le cas pour les Sonates pour violoncelle et piano de Brahms que j’ai apprivoisées depuis. » Son emploi du temps chargé et ses nombreux voyages ne l’empêchent pas de se garder des moments de détente : « Avec l’âge, j’ai appris à mieux m’organiser, discipliner mon sommeil, aborder les voyages dans de meilleures conditions psychologiques, gérer le stress. Chaque moment musical m’enrichit et me permet de progresser. »
S’il lui arrive de donner des master class, il n’envisage pas pour le moment d’occuper un poste de professeur car cela lui demanderait un investissement trop important.
Pour l’heure, au Théâtre des Champs-Élysées, dans le cadre de la série Piano ****, il aura à cœur de nous enchanter sur son violoncelle « David Tecchler » de 1711 à la sonorité si chaleureuse.
Michel Le Naour