Ophélie Gaillard entre ancien & nouveau monde
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Ophélie Gaillard n'a jamais cessé de cultiver une ouverture musicale exceptionnelle. On connaissait sa capacité à passer de l'instrument moderne à son ancêtre baroque, elle dévoile ici son amour de l'Argentine et du tango. Rencontre.
On connaît Ophélie Gaillard interprète de haut vol des Suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach, ou sémillante interprète à la tête de son Ensemble Pulcinella fondé en 2005 avec lequel elle pratique des répertoires à large spectre, le baroque rejoignant le contemporain. Elle a partagé jadis la scène avec le danseur hip-hop Ibrahim Sissoko et exploré les danses latines dans un album « Alvorada » publié en 2015 tout en enseignant la pratique de son instrument depuis sept ans à la Haute Ecole de Genève. A son actif, une série de podcasts de quatre à cinq minutes consacrés au violoncelle qui déclinent de manière ludique le violoncelle à travers les différentes écoles entre Flandre, Venise, Naples, et filmés in situ. A peine rentrée du Nord-Est du Brésil où elle a donné une série de classes de maîtres à des enfants défavorisés des favelas dans le cadre d’un programme initié par Ricardo Castro proche du El Sistema vénézuélien, cette artiste toujours en quête de projets innovants se produira les 13 et 14 novembre dans le cadre du Festival de Musique baroque de Pontoise pour la représentation d’un match musical haut en couleurs sur un pamphlet de l’époque de la Régence illustrant les vertus de la viole de gambe face aux prétentions du violon et du violoncelle. La veille, Salle Cortot, elle animera en compagnie d’amis musiciens un hommage vibrant au tango argentin. « La culture argentine a fait partie de mon apprentissage, et dès l’enfance je me suis nourrie aux sources du folklore latino-américain. C’est tout naturellement que je me suis intéressée au tango qui est l’expression la plus prégnante d’une hybridation réussie entre tradition rurale et tradition urbaine. » La récente publication d’un double-album pour le label Aparté, et intitulé Cello Tango dont elle donnera ici un aperçu, a été pour elle l’occasion d’assouvir sa passion pour la danse et de rendre hommage à des compositeurs qui ont transcendé, chacun à leur manière, un genre qui participe de leur arbre généalogique.
Du savant au populaire
« J’ai eu envie de mettre en lumière la personnalité de l’argentin Alberto Ginastera qui a utilisé tous les codes et est entré de plain-pied dans la modernité. Il s’est particulièrement intéressé au violoncelle et a même écrit un concerto pour sa seconde épouse, puisant son inspiration durant les deux premières périodes de sa vie créatrice aussi bien dans le folklore des hauts-plateaux andins que dans la Pampa, ou dans les musiques urbaines des bas-fonds de Buenos-Aires. Après un passage marqué par le dodécaphonisme, Ginastera, lorsqu’il vivait à Genève, a renoué à la fin de sa vie avec l’imaginaire de ses années antérieures. » A ce concert donné dans la salle de l’Ecole Normale de Musique à l’acoustique de rêve, d’autres compositeurs seront convoqués. Parmi eux, les célèbres Carlos Gardel ou Astor Piazzolla, mais également d’autres créateurs tout aussi fondamentaux comme Julián Plaza. « Je me suis associée à des musiciens avec lesquels j’entretiens une collaboration de longue date en abordant divers aspects de la musique argentine en duo ou en trio. Le guitariste Tomás Bordalejo est aussi compositeur, et la basse Nahuel di Pierro apportera sa contribution auprès du bandonéoniste Juanjo Mosalini et du contrebassiste Leonardo Teruggi. Il y aura des œuvres virtuoses pour violoncelle seul mais aussi des partitions connues de Piazzolla, Volver de Gardel, ou encore des tangos argentins d’inspiration populaire. » L’écrivain Jorge Luis Borges voyait dans le tango plus une émotion à partager qu’une véritable pensée. Gageons qu’avec ses partenaires qui parlent le langage du cœur, Ophélie saura donner toutes ses lettres de noblesse à cette musique au rebond rythmique si caractéristique dont la sensualité a conquis le monde depuis ses origines à l’embouchure du Rio de la Plata.
Michel Le Naour - publié le 01/11/25