Thibault Fajoles au service de la liturgie
Partager sur facebook
Il est le plus jeune organiste nommé à Notre-Dame, et pourtant Thibault Fajoles affirme déjà une identité singulière, façonnée autant par l’accompagnement liturgique que par sa vocation musicale. Tout en assumant la charge exigeante des offices, il présente en décembre un concert sur le thème de l’Avent.
Thibault Fajoles se souvient du moment précis qui a tout déclenché : « J’ai découvert l’orgue à douze ans lors d’une visite. Ce fut un véritable électrochoc, qui a engendré mon envie de faire de la musique. J’ai pourtant commencé par le saxophone, que j’ai pratiqué quelques mois, mais l’image de l’orgue ne me quittait pas. Très vite, j’ai su que je voulais pratiquer cet instrument. » C’est en accompagnant des messes que le musicien a commencé à faire ses armes. Par la suite, le soutien de professeurs d’exception lui a donné l’élan nécessaire à sa progression : « J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs professeurs déterminants, notamment David Cassan, qui m’a formé pendant cinq ans à l’orgue, à l’improvisation et à l’accompagnement. Parallèlement, j’ai beaucoup appris au contact de chefs de chœur spécialisés dans le chant grégorien, ce qui a renforcé ma compréhension de la musique liturgique. » Là où beaucoup de musiciens ont choisi leur métier avant tout pour les concerts, le jeune interprète est en effet très attiré par l’accompagnement de la liturgie : « Dès mes débuts j’ai aimé jouer pour les offices car chaque semaine apportait son lot de défis : explorer le répertoire, improviser, accompagner... C’est une pratique que je trouve très motivante et très formatrice, d’autant plus qu’elle nourrit un dialogue avec la voix. Elle permet de sortir de sa solitude d’organiste et de faire de la musique avec d’autres personnes. Aujourd’hui j’ai le privilège de travailler avec la Maîtrise de Notre-Dame, qui est exceptionnelle. »
Jouer à Notre-Dame
Depuis la réouverture de la cathédrale, Thibault Fajoles est en effet titulaire adjoint du Grand orgue et de l'orgue de chœur de Notre-Dame de Paris : « J’ai conscience de la chance inouïe que j’ai. Être organiste de Notre-Dame est une mission qui consiste d’abord à servir la liturgie avant d’être concertiste. Les improvisations et accompagnements doivent tenir compte de ce qu’on célèbre : une fête, un temps liturgique précis, un hommage... Malgré la grande liberté que laisse cette pratique, il faut veiller à toujours aller dans le sens des textes et de la célébration. » L’ampleur de la tâche, avec environ quatre-vingts célébrations par mois, n’empêche pas notre musicien de nourrir d’autres projets : « J’essaie de maintenir les deux axes : les récitals d’orgue solo et les collaborations avec des ensembles vocaux ou instrumentaux. J’aime particulièrement le travail collectif : accompagner des chœurs, travailler avec des orchestres quand le répertoire le permet, faire de la musique d'ensemble... » Côté répertoire, Thibault Fajoles aime explorer tous les horizons. Une polyvalence nécessaire pour s’adapter aux différents instruments sur lesquels il peut être amené à jouer : « De la Renaissance à la musique contemporaine, aucun courant ne me laisse indifférent. Pour moi, l’orgue impose une démarche particulière : quand on découvre un instrument en arrivant dans une église ou une salle, c’est lui qui suggère le programme. Il guide nos choix, nos couleurs, notre manière de jouer. C’est ce qui fait la richesse du métier. Bien sûr, comme beaucoup d’organistes, j’ai un attachement particulier à Jean-Sébastien Bach, qui est en quelque sorte le père de la musique pour orgue. Mais j’ai à cœur de travailler et de faire découvrir toutes les époques et tous les styles de musique pour orgue. »
Un concert de l'Avent
Pour le concert de décembre, le musicien a choisi de s’inscrire dans la continuité du calendrier liturgique. Il présente ainsi un programme lié au temps de l’Avent : « C’est un temps d’attente qui a beaucoup inspiré les compositeurs. J’ai choisi des œuvres de Bach, Dupré et Reger autour de cette thématique. Dupré ouvre le concert avec Le Monde dans l’attente du Sauveur, citant l’hymne grégorienne de l’Avent, Jesu redemptor omnium. Quant à Bach, à qui on doit de nombreuses partitions destinées à cette période, il est représenté à travers deux chorals : Nun komm, der Heiden Heiland et Wachet auf, ruft uns die Stimme. » Mais de toutes les pièces du programme, c’est sans doute à celle de Max Reger que Thibault Fajoles voue le plus grand attachement : « La grande fantaisie sur Wachet auf offre une lecture du choral très différente de celle de Bach, avec un mouvement progressif menant de l’attente à la délivrance. Elle constitue pour moi une conclusion naturelle au programme, en portant toute la tension et la libération du temps de l’Avent. Elle est rarement jouée en France, et pourtant elle est passionnante, à la fois dense et majestueuse. Jouer Reger sur un orgue français peut sembler surprenant, mais celui de Notre-Dame est suffisamment polyvalent pour accueillir cette musique. » Rendez-vous à la cathédrale pour apprécier les possibilités inépuisables de l’instrument !
Elise Guignard - publié le 01/12/25