Portraits d'artistes - Voix

Reinoud van Mechelen de Rameau à Mozart

Reinoud van Mechelen Partager sur facebook

Admirable dans le répertoire baroque français qui semble lui coller à la peau, Reinoud van Mechelen interprète Castor et Pollux de Rameau à l’Opéra de Paris ce mois-ci, parallèlement à la sortie d’un album Mozart qu’il célèbre lors d’un concert Salle Gaveau.

Depuis ses débuts, le ténor belge chante Rameau avec un naturel exceptionnel : « J’aime infiniment la musique baroque française et elle est au centre de mon activité. Je la défends avec beaucoup d’énergie et de conviction, d’autant plus qu’en Belgique elle a besoin d’être mise en valeur, davantage qu’ici encore. Le plus important est de travailler sur une large palette de couleurs, et de nourrir un amour pour le texte. Il ne s’agit pas uniquement de bien le prononcer pour le rendre intelligible. J’aime ciseler la langue, en savourer chaque mot quand je chante. » Pour Reinoud van Mechelen, l’opéra Castor et Pollux n’est pas complètement nouveau : « J’adore cette œuvre, même si j’avoue que mon opéra préféré de Rameau reste Les Boréades. Contrairement à d’autres, le livret coule de source, on est facilement porté par l’histoire. J’avais déjà chanté ou enregistré certains airs, et j’avais interprété le rôle de l’athlète il y a une dizaine d’années au Théâtre des Champs-Élysées, ce qui avait été une étape importante de ma carrière. Je suis très heureux de pouvoir incarner cette fois Castor, sous la direction de Teodor Currentzis que je ne connaissais pas mais qui est amoureux de cette musique. Il nous permet d’aller très loin dans les nuances et les couleurs, c’est un bonheur. Les collègues avec qui je partage la scène sont tout aussi fantastiques. Je connais Marc Mauillon, qui fait Pollux, depuis plus de dix ans. C’est par contre la première fois que je travaille avec Jeanine De Bique qui chante Télaïre. Elle a une énergie scénique et un engagement très inspirants. » Quant au metteur en scène, le ténor ne tarit pas d’éloges à son sujet : « Parmi les rencontres artistiques qui m’ont marqué ces dernières années, celle de Peter Sellars figure en tête de liste. Depuis mes débuts, j'essaie dans mon travail de trouver le meilleur moyen de traduire une émotion en musique, de donner une place à la profondeur émotionnelle et psychologique. Peter Sellars va très loin dans cette direction, et avec beaucoup d’humanité et de respect. J’avais déjà eu l’occasion de collaborer avec lui il y a un peu plus d’un an à Berlin. Nous sommes très heureux de nous retrouver pour cette production. »

Vers le XVIIIe…

L’amour qu’il voue à la musique baroque française n’empêche pas le ténor de nourrir d’autres passions : « Je suis un inconditionnel de Bach, même si presque n’importe quel musicien pourrait dire la même chose ! Et je suis très heureux également d’ouvrir mon répertoire et celui de mon ensemble a nocte temporis à de nouveaux horizons, comme Mozart. » Car Reinoud van Mechelen n’est pas seulement chanteur, il est aussi chef et dirige avec talent l’ensemble qu’il a fondé en 2016 avec la flûtiste Anna Besson. Récemment, il a enregistré un nouvel album pour Alpha classics, entouré de sa propre équipe. Sorti en janvier, celui-ci est centré sur les airs de concert de Mozart : « Jusqu’à présent j’avais chanté les rôles de Ferrando et Tamino, et je vais aborder ceux de Don Ottavio et même Idomeneo. Il me semblait que c’était le bon moment pour enregistrer Mozart. On s’est intéressés à tous les airs de concert écrits pour ténor, parce que je ne voulais pas commencer par les choses les plus évidentes ou les plus attendues. C’est quand même un air de Mitridate qui ouvre l’album cela dit, parce que je l’aime beaucoup et il s’y prêtait bien. Mais en réalité deux disques sortent, le premier est celui de janvier, mais il y en aura aussi un en septembre. On a enregistré les deux concertos pour flûte et le concerto pour flûte et harpe. Le concert à la Salle Gaveau mêle les programmes des deux disques. »

…et au-delà

Pour la suite, Reinoud van Mechelen sait dans quelle direction regarder : « Avec a nocte temporis, on réfléchit à des programmes où tout l’ensemble serait sur scène, sans direction, mais également à des projets scéniques où il serait en fosse de manière plus classique. On est en train d’agrandir notre répertoire mais ce n’est pas toujours facile de monter des projets étant donné la crise que traverse le milieu musical. Récemment on a donné et enregistré Zémide d’Iso, qui est complètement inconnu. Je pense qu’il est très important de mettre en lumière des raretés sinon le répertoire va devenir de plus en plus étroit et le milieu classique va s’étouffer. J’adore les chefs-d’œuvre, comme la Passion selon Saint Matthieu ou la Messe en si, ce n’est pas la question, mais il faut rester créatif et garder les oreilles ouvertes à d’autres musiques. » Du côté de son parcours solo, le ténor a aussi de nouvelles envies : « Outre les nouveaux rôles mozartiens qui s’ajoutent à mon répertoire, j’aimerais aborder certains rôles des opéras du XIXe siècle, j’attends un peu que l’occasion se présente. Je ne dis pas que ma voix peut tout chanter, il ne faut pas se brûler les ailes, mais je pense que mon identité vocale et artistique pourrait apporter un éclairage un peu différent à ce répertoire, qui pourrait faire du bien et plaire à certains. » En tout cas, à Cadences, on n’en doute pas !

Elise Guignard - publié le 29/01/25

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