Dossiers Musicologiques - Classique

Mozart Les messes en ut

Mozart
La très grande majorité des messes de Wolfgang Amadeus Mozart furent composées à Salzbourg.
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Figurant régulièrement dans les programmes des salles de concert, la grande messe en Ut mineur fait partie des chefs-d’œuvre sacrés de Mozart. Mais on ne sait pas toujours qu’avant elle, le compositeur avait déjà écrit une dizaine d’autres messes en ut (majeur ou mineur).

Pour Mozart la messe ne fut jamais un simple exercice formel. Il s’intéressa toute sa vie à ce type de compositions, notamment pendant sa période à Salzbourg. Né dans cette ville en 1756, le compositeur y passa une partie de sa carrière. Véritable état à part entière au sein du Saint-Empire romain-germanique, Salzbourg était gouvernée par un prince-archevêque très influent dans les domaines à la fois politiques et religieux. Dans l’enfance de Mozart, il s’agissait de Siegmund Christoph Comte von Schrattenbach, qui engagea le jeune prodige de 13 ans comme troisième « Konzertmeister » de la cour, où son père était vice-maître de chapelle, et l’encouragea à se former en Italie. À la mort du prince-archevêque en 1771, Hieronymus Comte Colloredo lui succéda. Contrairement à son prédécesseur, il mena une politique de rigueur qui freina beaucoup l’épanouissement de la vie musicale. Il simplifia notamment la musique liturgique, imposant une durée de 45 minutes maximum pour les messes, au grand dam de Mozart qui entretint une relation particulièrement houleuse avec l’archevêque. Malgré tout, les messes permirent au compositeur d’approfondir son écriture polyphonique. Au fur et à mesure des œuvres, le traitement du texte et de son sens semble de plus en plus soigné, révélant la maturité du compositeur. C’est là aussi que le génie mozartien transparait dans tout son éclat : les mots ne semblent jamais un simple prétexte de composition mais sont au contraire habités de toute leur profondeur dans leur mise en musique.

Un abondant répertoire

Au total, Mozart composa dix-huit messes, dont la célèbre Messe de Requiem. Au sein de ce corpus, pas moins de onze sont écrites en ut (majeur ou mineur) : d’abord la Messe solennelle en ut mineur KV. 139 (également appelée « Messe de l’Orphelinat »), composée en 1768 pour la consécration de la chapelle de l’orphelinat de Vienne ; ensuite la Messe solennelle en do majeur KV. 66(également appelée « Dominicus-Messe ») composée en 1769 à Salzbourg pour la première messe que devait célébrer un ami des Mozart, Kajetan Hagenauer ; la Messe solennelle en do majeur « in honorem Sanctissimae Trinitatis » KV. 167, composée en 1773 à Salzbourg sans doute pour l’Église de la Trinité ; la Messe brève en do majeur « des Moineaux » KV. 220, probablement composée en 1775 à Salzbourg, et dont le surnom vient du Sanctus où figure un petit motif évoquant le chant des oiseaux ; la Messe en do majeur KV. 262 (dite « Missa longa ») composée en 1776 à Salzbourg ; trois autres messes en do majeur composées entre novembre et décembre 1776 à Salzbourg elles aussi (Messe KV. 257 dite « Messe du Credo », Missa brevis KV. 258 parfois appelée « Spaurmesse », et Messe KV. 259 dite « du solo d’orgue » en raison de l’orgue obligé présent dans le Benedictus) ; puis la Messe en ut majeur KV. 317 surnommée « Messe du Couronnement » composée en 1779 à Salzbourg ; la Messe solennelle en do majeur KV. 337 (1780) ; et pour terminer cette longue liste, la Grande Messe en ut mineur KV. 427 composée entre 1782 et 1783 à Vienne.

Parmi toutes ces œuvres, deux se détachent particulièrement du lot par leur splendeur : la Messe du couronnement et la Grande Messe en ut mineur.

La première fut composée à la demande de Colloredo. Mozart avait alors 23 ans et traversait une période éprouvante dans sa vie : son voyage en Europe ne lui avait pas apporté la gloire qu’il en attendait, il dut faire face au décès de sa mère, il dut endurer le refus d’Aloysia Weber de l’épouser, pour finalement revenir à Salzbourg travailler auprès de l’archevêque qu’il haïssait. Impossible pourtant de deviner ce contexte tant la partition s’avère festive. Malgré des dimensions correspondant à la forme d’une messe brève, elle rayonne par son orchestration chatoyante et son lyrisme tout opératique. Le solo de la soprano dans l’Agnus Dei final préfigure d’ailleurs l’air de la comtesse des Noces de Figaro. La Messe du couronnement fut apparemment composée pour la commémoration du « couronnement » d’une icône de la Vierge dans l’église Notre-Dame de Maria Plain, non loin de Salzbourg. Certaines recherches remettent en cause cette hypothèse, mais toujours est-il que la messe fut redonnée plusieurs fois à l’occasion de couronnements, ce qui explique aussi son nom : à Prague en 1791 pour le couronnement de Léopold II de Bohême, puis en 1792 pour le couronnement de François II de Bohême.

Une messe pour Constanze

De son côté, la Grande Messe en ut mineur est un peu à part en raison des circonstances de sa composition. Dévoilées par de rares sources, ces circonstances restent en partie incertaines. Mozart était en tout cas installé à Vienne lorsqu’il entama l’écriture de sa messe, enfin libéré des demandes de l’archevêque Colloredo puisqu’il avait décidé de renoncer à son poste salzbourgeois. Avec cette œuvre, il ne répondait pas à une commande mais engageait une démarche personnelle : il avait semble-t-il promis d’élaborer une messe d’action de grâce si Constanze Weber qu’il allait épouser parvenait à accoucher sans encombre. Il se maria avec la jeune femme en août 1782 et respecta sa promesse, composant pour la première fois une messe par sa propre initiative.

La Grande Messe en ut mineur fait partie, comme le Requiem, des œuvres inachevées du compositeur. Mozart composa le Kyrie, le Gloria, le Sanctus et le Benedictus. Il n’y a pas d’Agnus Dei, et uniquement des fragments du Credo. On ne sait pas ce qui empêcha l’achèvement de la partition. Peut-être était-ce simplement le manque de temps (Mozart était occupé à la même période par la composition de l’Enlèvement au Sérail, la publication de ses œuvres, il donnait des cours…). Si l’œuvre avait été achevée, elle aurait sans doute pu se comparer en termes de dimensions avec la Messe en si de Bach.

Plus que tout autre, la Messe en ut mineur porte l’empreinte de la musique ancienne. C’est grâce au baron Gottfried van Swieten que Mozart avait découvert ce répertoire au début des années 1780, car celui-ci possédait une belle collection de partitions de Johann Sebastian Bach et Georg Friedrich Händel. Mozart fut subjugué par l’art du contrepoint, notamment de Bach. C’est avant tout dans les parties de chœur que la Grande Messe en ut mineur dévoile cette influence du répertoire baroque. La partition n’en reste pas moins très lyrique, avec une écriture vocale dans les airs solistes très proche de celle des opéras de Mozart.

La création eut lieu à l’abbaye bénédictine de Saint-Pierre à Salzbourg le 26 octobre 1783. Mozart y était retourné depuis quelques mois pour rendre visite à son père et lui présenter sa femme. C’est Constance elle-même qui assura la partie de soprano solo, forte d’une technique vocale qu'on imagine solide au regard de la difficulté de la partition.

Élise Guignard

Repères

  • 27 janvier 1756

    naissance de Mozart à Salzbourg
  • 1762

    premières compositions
  • 1768

    Messe de l’Orphelinat
  • 1769

    Dominicus-Messe
  • 1776

    Messe KV. 262, Messe KV. 257, Missa brevis KV. 258 & Messe KV. 259
  • 1779

    Messe du Couronnement
  • 1782

    Symphonie n° 35
  • 1783

    Symphonie n° 36 & Grande Messe en ut mineur
  • 1786

    Les Noces de Figaro & Symphonie « Prague »
  • 1787

    Don Giovanni
  • 1788

    Symphonies n° 39, 40 & 41
  • 1791

    La Flûte enchantée & Requiem
  • 5 décembre 1791

    mort de Mozart

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