Portraits d'artistes - Cordes

Sonia Wieder-Atherton inspirée

Sonia Wieder-Atherton
À Moscou, Sonia Wieder-Atherton s'est perfectionnée auprès de Natalia Chakhovskaïa.
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D’une personnalité inspirante venue d’une sensibilité à tous les arts et à toutes les cultures, la violoncelliste est saluée pour ses projets aux multiples horizons. À la Cité de la Musique, elle se consacre aux suites pour violoncelle de Bach.

Née à San Francisco, Sonia Wieder-Atherton a arpenté le monde dès ses plus jeunes années. Elle vécut à New-York puis à Paris, où elle intégra le Conservatoire, avant de partir à Moscou à 19 ans pour poursuivre ses études au Conservatoire Tchaïkovski. Un riche parcours qui façonna son identité : « Je changeais fréquemment de pays, je vivais dans des endroits très différents. Je ne sentais pas de racines, donc je devais m’inventer un univers à chaque fois. C’est pendant mon enfance cosmopolite que j’ai découvert le monde des sons, avant même celui du violoncelle d’ailleurs. Il m’a tout de suite parlé et a beaucoup joué dans mon évolution. J’ai découvert ensuite le violoncelle lui-même vers l’âge de 10 ans. Mes études en Union Soviétique m’ont plus tard fortement marquée. » À l’image de cette rencontre de cultures différentes, le répertoire de la musicienne englobe toutes les époques et tous les genres : « Je n’ai pas de répertoire de prédilection, je ne saurais pas dire quelle musique je préfère, de la même manière qu’il ne vient pas à l’idée d’un parent de famille nombreuse de préférer l’un de ses enfants aux autres. J’aime tout ce que je rencontre et que je travaille. Cette liberté dans mes choix fait partie de mon univers. »

Bach pour toute la vie

Pour autant, Bach semble occuper une place particulière pour Sonia Wieder-Atherton : « J’ai beaucoup écouté Bach, notamment les cantates, la musique pour clavier, les Variations Goldberg... Chaque œuvre de Bach peut vous inspirer à un moment de la vie. Le travail sur les Suites pour violoncelle ne ressemble à rien d’autre. Cela m’évoque la cérémonie du thé, qui demande un rapport particulier et extrêmement travaillé au temps, au présent, au corps, à la délicatesse aussi et au mélange des émotions. » Pour autant, la violoncelliste refuse tout dogmatisme dans la manière de le jouer : « Je pense qu’il n’y a pas qu’une seule manière d’interpréter Bach, il y a autant de manières de le faire qu’il y a de gens, et aussi bien ceux qui écoutent que ceux qui jouent vont vers ce qui leur parle. Certaines personnes seront plus intéressées par l’essence même du style, d’autres vont privilégier d’abord l’énergie, d’autres encore vont s’intéresser avant tout aux timbres… Et puis il y a des gens, dont probablement je fais partie, qui s’attachent surtout aux moyens de faire vivre ces chefs-d’œuvre dans nos temps modernes. Pour moi les Suites pour violoncelle de Bach nous racontent des choses d’aujourd’hui et nous ouvrent des univers. » Dans le corpus des Suites, la musicienne ne saurait donner la préférence à l’une ou l’autre pièce : « Mes préférences dépendent des moments. La Suite n° 5 a par exemple une puissance dramatique immense, et récemment on a entendu dans l’actualité qu’un violoncelliste a interprété son prélude au milieu des ruines de Kharkiv en Ukraine… La musique vit avec notre temps, à chaque moment correspond une musique mieux qu’une autre. »

Contrairement au monde de la création musicale où tout est toujours neuf, l’interprétation de partitions si souvent jouées remémore toujours de nombreux et vénérables prédécesseurs. La violoncelliste connait bien cette différence : « Quand on joue du répertoire classique, on est confrontés aux ainés toute sa vie. Quand j’ai commencé ma carrière j’interprétais du répertoire connu parallèlement à du répertoire contemporain, et ce sont deux postures différentes vis-à-vis de la musique, avec lesquelles j’ai toujours joué et qui se nourrissent l’une de l’autre. Jouer du contemporain c’est se préparer à descendre une piste de ski avec de la poudreuse immaculée, sur laquelle personne n’a encore posé le pied, alors que des partitions célèbres sont des pistes qui ont déjà été descendues mille fois. Mais cela ne dit pas pour autant comment les descendre ! » Dans le cas des Suites pour violoncelle de Bach, Sonia Wieder-Atherton a une référence précise en tête : « Pour moi, c’est Pablo Casals qui les fait vraiment vibrer, mais il y a beaucoup d’autres très belles versions bien entendu. » Après le concert à Paris, la musicienne a plusieurs projets ailleurs en Europe : « Je vais être en Belgique pour des concerts et à l’occasion de la finale du concours Reine Elisabeth pour lequel on m’a demandé d’être membre du jury. Plus tard je partirai en Italie avec Charlotte Rampling pour notre spectacle sur Shakespeare et Bach. » En ces temps troublées, Sonia Wieder-Atherton rappelle l’importance de la musique : « Nous vivons dans un monde où il y a beaucoup d’angoisse et de violence, les dialogues politique sont de plus en plus difficiles, on ne se comprend pas… Je pense que chacun d’entre nous doit choisir un chemin qui va à l’encontre de toute cette destruction. Il faut être dans le partage pour faire gagner les forces de la lumière face à toute cette obscurité. La musique peut avoir ce pouvoir, et elle devient alors extrêmement précieuse. Il faut se souvenir des raisons qui nous ont poussés à choisir notre voie au départ, arriver à trouver un sens dans un monde où cela est difficile, et essayer de créer des clairières dans cette jungle. »

 

Élise Guignard

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