Portraits d'artistes - Voix

Lea Desandre nouveaux défis

Lea Desandre Partager sur facebook

Icône du milieu musical depuis quelque temps déjà, la mezzo-soprano franco-italienne avance vers de nouveaux horizons. À l’Opéra de Paris, elle incarnera pour la première fois la magicienne Médée dans l’opéra de Charpentier, un joli défi qu’elle aborde sereinement.

Si elle captivait les mélomanes pour sa musicalité depuis ses débuts, Lea Desandre a déjà fait bien du chemin jusqu’à aujourd’hui en termes de répertoire et de vocalité : « La musique ancienne a été vraiment formatrice pour moi, elle m’a appris à chercher des couleurs, faire de la dentelle avec les détails des partitions, jouer avec le texte et l’harmonie, trouver la souplesse de la voix... Mon répertoire a ensuite évolué assez naturellement, j’essaie de suivre le développement sain et spontané de mon instrument. Je me suis tournée vers Mozart, qui m'a permis de travailler davantage sur les lignes vocales et d’installer plus solidement le corps. Dans ma sensation, je me sens plus assise, plus à l'aise dans les mediums. Une voix, on la construit comme une maison : on pose d’abord les fondations, puis les différents étages. Comme le socle de mon instrument est maintenant solide, mon timbre s’est enrichi d’harmoniques aussi bien dans les aigus que dans les graves. Je cherche toujours à obtenir un son riche en résonance, accroché à la manière italienne. Quand l’instrument est bien travaillé, on peut l’utiliser pour colorer la musique, ce n’est plus lui qui dicte notre manière de chanter par défaut. »

Une belle évolution nourrie par des expériences très formatrices qui ont jalonné la carrière de la chanteuse ces dernières années : « J’ai beaucoup chanté le rôle de Chérubin dans les Noces de Figaro de Mozart depuis ma prise de rôle à Aix-en-Provence en 2021. C’est même le rôle que j’ai le plus chanté dans ma vie et qui m’a permis de faire mes débuts dans des lieux emblématiques comme l’Opéra de Paris, l’Opéra de Zurich ou le Liceu à Barcelone. Il offre beaucoup de possibilités musicalement et théâtralement, on peut se métamorphoser à volonté. Le travailler avec différentes équipes artistiques m’a énormément appris, j’ai gagné en confiance. L’autre aventure qui m’a permis de grandir est celle de l’Ensemble Jupiter avec le théorbiste Thomas Dunford. C’est une grande famille, nous sommes comme des gouttes d’eau qui s’assemblent pour former un océan. La recherche de cohésion dans le son forme très bien l’oreille, tout comme la recherche de couleurs. Nous avons aussi fait de longues tournées qui m’ont appris l’endurance. Ce furent de belles leçons. »

De Chérubin à Médée

Un nouveau défi attend maintenant Lea Desandre avec le rôle de Médée de Charpentier à l’Opéra de Paris : « Médée est clairement une nouvelle étape dans ma carrière, il y a une transition à faire pour passer du rôle d’un adolescent de 12 ans à celui d’une magicienne et mère. Heureusement j’ai chanté entre-temps Ariodante de Händel qui m’a permis d’aborder une vocalité plus large que celle de Chérubin. » Pour ce qui est du personnage, il fait sans aucun doute partie des grandes figures mythologiques qu’il est toujours passionnant d’explorer : « J’ai été assez surprise en l’étudiant de près, car j’avais en mémoire la Médée de Cherubini qui va très loin dans la folie et s’immole à la fin de l’opéra. La Médée de Charpentier possède plus de douceur, elle peut même susciter l’empathie. Je peux comprendre son cheminement même si je ne me reconnais pas en elle ! Dans les premiers actes, ce sont les personnages de son entourage qui se comportent en monstres tandis qu’elle fait preuve de bienveillance et de tolérance. Finalement la folie arrive quand la magicienne prend le dessus sur l’humaine. Nous travaillons dans ce sens avec le metteur en scène David McVicar : Médée s’apparente à un loup-garou un soir de pleine lune qui lutte pour rester humain mais se transforme malgré lui. »

Retrouvailles

Côté musique, la mezzo se sent comblée : « C’est une musique très raffinée que j’aime beaucoup car elle laisse une grande place à l’imagination. On peut peindre le texte de mille manières, dans un espace de liberté immense. Comme Médée est une tragédie lyrique, c’est avant tout du théâtre et on doit d’abord raconter une histoire. On est bien loin des lignes pures et souples de Mozart, ici c’est la projection lyrique et théâtrale qui compte. »

Pour cette production, la mezzo retrouvera des amis de longues dates : « J’ai l’habitude de collaborer avec les Arts Florissants, j’ai une totale confiance en eux et on travaille toujours dans le dialogue. C’est même William Christie qui m’a convaincu d’accepter le rôle. Il voulait une Médée du même âge que Créuse, pour qu’on puisse être davantage en empathie avec le personnage. Il voulait aussi une jeune chanteuse pour des choix de textures sonores. Je sais qu’on va faire de la musique dans un climat bienveillant et cela me rassure pour cette production qui sera la troisième que je fais à l’Opéra de Paris. C’est une maison magnifique où j’ai aussi chanté enfant, je m’y sens bien. Le contexte est donc idéal pour relever le challenge de ce rôle. »

Après cette nouvelle aventure, Lea Desandre renouera à l’Opéra Comique avec un répertoire qui lui tient également à cœur, celui de la comédie musicale : « J'ai grandi dans le milieu du cinéma par le travail de mes parents et Thomas Dunford a des racines américaines par son père. Quand j’étais petite j’écoutais Mary Poppins, La Mélodie du Bonheur et lui écoutait West Side Story. On cherchait une idée de programme qui nous faisait rêver, et cette possibilité nous est apparue. On a conçu un récital autour du répertoire de Julie Andrews, qui a toujours était présente dans ma vie comme une sorte de muse inspirante. C’est un spectacle pour tous les publics qui fait du bien, avec du chant, de la danse, du jazz… Il y a vraiment eu cette magie de la rencontre entre les musiciens de l’Ensemble Jupiter avec leurs instruments anciens et les jazzmen qui font le projet avec nous. Tout s’est fait très naturellement, de manière organique. »

Assumant la belle diversité de ses projets, Lea Desandre affirme plus que jamais son identité artistique.

Élise Guignard

Du Tac au Tac

  • Votre métier si vous n'étiez pas chanteuse ?

    Reporter animalier ou chirurgien cardiaque.
  • Le compositeur que vous auriez aimé rencontrer ?

    Mozart.
  • La qualité que vous appréciez le plus chez un musicien ?

    L'écoute.
  • Votre livre préféré ?

    Le Petit Prince de Saint-Exupéry.
  • L’époque à laquelle vous auriez aimé vivre ?

    Dans les années hippies, ou maintenant.
  • Votre plus grand rêve ?

    Que ça continue !

3 CD

  • Idylle

    Idylle

    Lambert, Charpentier, Debussy… L. Desandre, mezzo ; T. Dunford, luth. 1 CD Warner Classics
  • Handel, Eternal Heaven

    Handel, Eternal Heaven

    L. Desandre, mezzo ; I. Davies, contre-tenor ; Ensemble Jupiter, T. Dunford (dir.) 1 CD Warner Classics
  • Amazone

    Amazone

    Cavalli, Vivaldi, Couperin… L. Desandre, mezzo ; Ensemble Jupiter, T. Dunford (dir.) 1 CD Warner Classics

Restez connectés