Stéphane Degout travail d'orfèvre
Passionné depuis ses débuts par la mélodie et le lied, Stéphane Degout est l’un de leurs plus ardents défenseurs en France. À l’Opéra Comique, il propose quelques pièces de Debussy et Berg dans le cadre d’une carte blanche donnée au compositeur George Benjamin, avec la complicité du pianiste Cédric Tiberghien.
Les dernières saisons n’ont pas manqué de saveur pour le baryton français, avec ses débuts dans le rôle de Wozzeck dans l’opéra de Berg et son premier Winterreise de Schubert : « J’ai chanté pour la première fois Wozzeck à Toulouse il y a trois ans, et je reprends le rôle en ce moment à l’Opéra de Lyon. L’œuvre est aussi fondamentale dans l’histoire de la musique que Pelléas et Mélisande de Debussy, et elle l’est tout autant dans ma carrière. Ce rôle me force à revenir à des fondamentaux, à étudier la partition de manière extrêmement précise, à chercher une interprétation très fouillée. Il laisse des traces sur tout ce que j’interprète d’autre. Par ailleurs j’ai monté une autre marche récemment, en chantant pour la première fois le Winterreise de Schubert. C’était à l’Opéra Comique en février dernier, avec Alain Planès qui jouait sur son superbe piano Pleyel. Je ne me suis jamais senti complètement prêt à aborder ce cycle qui est une montagne à gravir, j’ai longtemps repoussé l’échéance, mais je sentais que c’était le bon moment pour le faire, comme une évidence. » Parmi les temps forts qui ont jalonné la carrière du baryton ces dernières années, la rencontre avec le compositeur George Benjamin pour Lessons in Love and Violence fut elle aussi essentielle : « La musique contemporaine est relativement récente dans ma carrière et elle m'interpelle beaucoup. Je considère que la création est très importante car elle participe à rendre l’art lyrique vivant. La rencontre avec George Benjamin m’a marqué. Sa musique demande une préparation poussée, mais on obtient ainsi un résultat très fort. »
Au cœur de la poésie
Ce mois-ci, l’Opéra Comique a donné carte blanche au compositeur pour organiser un récital, et celui-ci a choisi de réunir Stéphane Degout et Cédric Tiberghien : « George Benjamin n’a jamais écrit de mélodies, il ne souhaite pas le faire pour le moment. Il suit toujours ses propres envies, il a besoin d’être maître de son travail. Il nous a donc demandé pour ce concert de choisir des œuvres de Debussy et Berg, qui sont des compositeurs importants pour lui. Debussy est également un compositeur central dans ma vie, car j’ai longtemps interprété Pelléas même si ces années-là sont derrière moi. Le langage de ses mélodies est très particulier et je l’ai abordé très tôt. » Le baryton interprètera notamment le deuxième livre des Fêtes Galantes : « Il faut respecter le texte à la lettre près, en retransmettre toutes les subtilités de couleurs. On ne doit pas se laisser embarquer par les facilités vocales d'un lyrisme qui prendrait trop le dessus. Debussy écrit pour qu’on dise le texte, il respecte avant tout la poésie. Quand le lyrisme est indispensable, il explose, mais on ne doit pas en insuffler partout sous peine de casser cet effet. » Du côté de Berg, on pourra entendre les Quatre lieder op. 2 : « Cette œuvre est une sorte de manifeste. Ces quatre mélodies montrent une évolution insensée : la première est très tonale, relativement simple, puis on arrive à des ébauches de dodécaphonisme dans la dernière. J’y vois le mode d'emploi de toute la suite de ce que va écrire Berg. » Pour ce récital, Stéphane Degout retrouve donc son ami et collègue Cédric Tiberghien qui interprétera Shadowlines (la seule œuvre de Benjamin du programme) en plus d’accompagner le baryton : « Nous travaillons régulièrement ensemble depuis 2017, on avait commencé avec un projet autour de Poulenc et Ravel. Nous nous entendons très bien et nous avons beaucoup d’envies communes. En 2025 nous fêterons ensemble nos 50 ans pendant toute la saison ! » Lors de la carte blanche, les deux artistes partageront aussi la scène avec de jeunes chanteuses de l’Académie : « J’avais fait cette demande à l’Opéra Comique dans l’idée d’étoffer le concert, cela me tenait à cœur, et puis George Benjamin aime travailler avec de jeunes interprètes. » Une belle initiative qui ajoutera une intéressante diversité vocale au programme.
Elise Guignard - publié le 2 octobre 2024