Trio Wanderer 30 ans de passions
Dans la grande famille des ensembles de chambre, le trio Wanderer occupe une place souveraine depuis plusieurs décennies. Au théâtre des Champs-Élysées, il interprète deux trios emblématiques de Mendelssohn et Chostakovitch. Rencontre avec le pianiste de l’ensemble, Vincent Coq.
Salué dans le monde entier pour sa virtuosité et sa profondeur d’interprétation, le Trio Wanderer (composé du violoniste Jean-Marc Phillips-Varjabédian, du violoncelliste Raphaël Pidoux et du pianiste Vincent Coq) a fait bien du chemin depuis ses débuts il y a plus de trente ans. Le pianiste se remémore les premiers pas de l’ensemble : « Les rencontres artistiques lors de nos années d’études ont été très importantes. Nous avons été marqués par notre travail avec Jean-Claude Pennetier au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, Menahem Pressler du Beaux-Arts Trio au festival de La Roque d’Anthéron ou encore le Quatuor Amadeus. » De son triomphe au Concours ARD de Münich en 1988 à aujourd’hui, le trio n’a cessé de gagner en homogénéité et d’enrichir ses interprétations : « Pour nous, de l’intérieur, il est difficile de voir précisément l’évolution, mais il est évident que notre vision de la musique s’est approfondie avec l’expérience. Il n’y a jamais eu de changement radical dans notre parcours, ce qui aurait été artificiel, mais nous avons ajouté petit à petit de nouvelles briques à notre construction. Nous avons aussi gagné en efficacité dans le travail, parce que beaucoup de choses sont aujourd’hui acquises, même s’il faut toujours être vigilant. » Le répertoire du Trio Wanderer a toujours été très large, allant de Haydn à la musique contemporaine : « Il y a des perles dans tous les répertoires, nous jouons de la musique française, russe, espagnole… Mais quand on fait du trio avec piano, ce sont les répertoires viennois et allemands qui constituent le cœur du travail : Haydn, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Brahms et Schumann. Jouer en priorité ces compositeurs est presque une obligation mais nous le faisons surtout par goût. Je pense que ce répertoire est insurpassable, je peux le rejouer encore et encore, je ne m’en lasse jamais ! » Au Théâtre des Champs-Élysées, le Trio propose deux chefs-d’œuvre absolus qu’il a déjà enregistrés, le Trio n° 1 op. 49 de Mendelssohn et le Trio n° 2 op. 67 de Chostakovitch : « Dans le trio de Mendelssohn, on atteint à mon sens la perfection de langage romantique. Mais il ne s’agit pas d’un romantisme torturé comme chez Schumann, c’est un romantisme jeune et flamboyant. Le mouvement lent, l’un des plus grands de l’histoire de la musique, est d’une tendresse incroyable, avec un thème d’une beauté inouïe et pourtant d’une simplicité absolue. Le trio de Chostakovitch est quant à lui l’une des œuvres les plus sombres du compositeur, écrite en 1944 après la bataille de Leningrad et la mort d’un ami. C’est une partition élégiaque, imprégnée de l’horreur de la guerre, du stalinisme et du nazisme. Elle est aussi très visuelle, presque cinématographique, et fait partie des plus grands trios du xxe siècle, avec ceux de Ravel et de Fauré. » Outre ses concerts, l’ensemble travaille actuellement sur un projet discographique enthousiasmant : « Cela fait plus de 25 ans que nous nourrissons une riche collaboration avec Harmonia Mundi, ce qui est une belle marque de confiance de leur part. Notre nouvel enregistrement est consacré à César Franck et sortira probablement au printemps prochain. »
Élise Guignard